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CONVERSATION

DE

LUCIEN, ÉRASME, ET RABELAIS

DANS LES CHAMPS ÉLYSÉES'.

��Lucien fit, il y a quelque temps, connaissance avec Érasme, malgré sa répugnance pour tout ce qui venait des frontières de l'Allemagne. Il ne croyait pas qu'un Grec dût s'abaisser à parler avec un Batave ; mais ce Batave lui ayant paru un mort de bonne compagnie, ils eurent ensemble cet entretien.

LUCIEN.

Vous avez donc fait dans un pays barbare le mémo métiei- que je faisais dans le pays le plus poli de la terre ; vous vous êtes moqué de tout?

ÉRASME.

Hélas! je l'aurais bien voulu; c'eût été une grande consola- tion pour un pauvre théologien tel que je l'étais ; mais je ne pouvais prendre les mêmes libertés que vous avez prises.

LUCIEN.

Cela m'étonne : les hommes aiment assez qu'on leur montre leurs sottises en général, pourvu qu'on ne désigne personne en particulier; chacun applique alors à son voisin ses propres ridi- cules, et tous les hommes rient aux dépens les uns des autres. N'en était-il donc pas de même chez vos contemporains?

ÉRASME.

Il y avait une énorme différence entre les gens ridicules de votre temps et ceux du mien : vous n'aviez à faire qu'à des dieux

��1. Cette Conversation a paru dans la troisième partie ou troisième volume des Nouveaux Mélanges, 1765, in-8". (B.)

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