Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/386

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Matthieu rapporte. De plus, cette généalogie est celle de Joseph, qui n’est pas le père de Jésus. Les incrédules demandent dans quel tribunal on déciderait de l’état d’un homme sur de telles preuves.

Matthieu fait enfuir Marie, Joseph, et Jésus en Égypte, après l’apparition de la nouvelle étoile, l’adoration des mages, et le massacre des petits enfants. Luc ne parle ni du massacre, ni des mages, ni de l’étoile, et maintient que Jésus resta constamment dans la Palestine. Y a-t-il, disent les réfractaires, une contradiction plus grande ?

Trois évangélistes semblent formellement opposés à Jean : Matthieu, Marc et Luc, ne font vivre Jésus qu’environ trois mois après son baptême ; et Jean, après ce même baptême, le fait aller trois fois à Jérusalem pour faire la pâque, ce qui suppose au moins trois années.

On sait combien d’autres contradictions les incrédules reprochent aux auteurs sacrés ; mais ils ne se bornent pas à ces reproches si connus. Quand même, disent-ils, les quatre Évangiles reçus seraient entièrement uniformes ; quand même les quarante-six autres, qui furent rejetés avec le temps, déposeraient des mêmes faits ; quand même tous les auteurs de ces livres auraient été des témoins oculaires, nul homme sensé ne doit, sur leur parole, croire des prodiges inconcevables, à moins que ces prodiges, qui choquent la raison, n’aient été juridiquement constatés avec la publicité la plus authentique.

Or, disent-ils, ces prodiges n’ont point été constatés, et ils choquent la raison : car il ne leur semble pas raisonnable que Dieu se soit fait Juif plutôt que Romain, qu’il soit né d’une femme vierge ; que Dieu ait eu un frère aîné, nommé Jacques ; que Dieu ait été emporté sur une montagne par le diable, et que Dieu enfin ait fait tant de miracles pour être outragé, pour être supplicié, pour rendre le monde beaucoup plus méchant qu’il n’était auparavant, pour amener sur la terre des guerres civiles de religion, dont on n’avait jamais entendu parler ; pour exterminer la moitié du genre humain, et pour soumettre l’autre à un tyran et à des moines.

Ils disent que ces miracles, sur lesquels autrefois les moines en élevèrent tant d’autres pour nous ravir notre liberté et nos biens, n’ont été écrits que quatre-vingts ans après Jésus, dans le plus grand secret, par des hommes très-obscurs, qui cachaient leurs livres aux Gentils avec le scrupule le plus religieux, et qui ne formèrent une secte qu’à la faveur du mépris qui les dérobait au reste des hommes.