Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/399

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comptant, et croient tout, excepté la Bible[1]. Cette dernière espèce d’incrédule, qui fait le peuple dans cette secte, ne mérite pas le pompeux titre d’esprit fort : car il n’en coûte rien pour rejeter une fable manifeste, telle que le Koran de Mahomet ; et on ne peut pas s’arroger le caractère de hardi et de courageux en ce genre sans risquer son âme. Or, pour tout conclure en peu de mots (et c’est précisément là où j’ai voulu venir par une espèce de méthode socratique), une fable très-compliquée, qui est le produit d’un temps immense, qui dépend par une liaison nécessaire dans ses principes d’une suite de six mille ans, et de plus de deux cents générations ; qui a été la fable universellement reçue de tant de différentes nations[2], de tant de climats, de tant de siècles, de tant de génies différents, de la première classe en tout genre, et de tant de tempéraments ;… une fable… enfin qui est soutenue par tant de preuves qui, nous venant de tous côtés, aboutissent sans se croiser au même point, par tant de marques de vérité, dont la lumière augmente à raison de la réflexion multipliée, assez fortes pour enchaîner le déiste savant dans un doute éternel, est une fable unique, une fable d’une espèce qu’on ne conçoit pas, qui n’a jamais existé ailleurs depuis la création du monde, et qui n’existera jamais dans toute la suite des siècles, quand le monde durerait éternellement[3].


AVERTISSEMENT[4].

Le sieur Needham n’ayant pas osé se nommer en répondant aux trois premières lettres de M. le proposant Théro, celui-ci, croyant bonnement que cette réponse était d’un docteur en théologie, lui adressa la lettre suivante :

  1. Oh que non ! mon ami ; nous n’avons jamais cru à tes expériences. (Note d’un professeur de physique.) (Note de Voltaire.)
  2. Tu ne sais ce que tu dis, mon ami ; je crois aux miracles de Jésus-Christ plus que toi ; et si tu es un théologien irlandais, je suis un théologien suisse. Tu soutiens une bonne cause que personne ne te dispute, mais par de bien mauvaises raisons. Comment ne vois-tu pas qu’on en pourrait dire autant du mahométisme ? il remonte à six mille ans comme le judaïsme ; il est embrassé par des nations qui diffèrent de mœurs et de génie, par des Africains, des Persans, des Indiens, des Tartares, des Syriens, des Thraces, des Grecs. Il s’appuie sur des prophéties, et il y a peut-être en Turquie des Needham. (Note de M. Théro.) (Id.)
  3. Nous avons transcrit ce long passage pour donner au lecteur une idée de l’éloquence du jésuite. Nous n’avons conservé du reste que ce qui est nécessaire pour entendre les notes. (K.)
  4. Cet Avertissement, de Voltaire, est de 1765.