Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/417

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Cette aventure le détermina à s’instruire ; il devint savant en peu de temps, et il se distingua par plusieurs lettres en faveur de monsieur le proposant, son ami, contre le jésuite Needham.


DIXIÈME LETTRE.
par m. covelle, citoyen de genève, à m. v***[1],
pasteur de campagne.

Monsieur,

Nous croyons, vous et moi, fermement à tous les miracles ; nous croyons que les paroles qui ont évidemment un sens déterminé ont évidemment un autre sens. Par exemple : « Mon père est plus grand que moi[2] » signifie sans aucune contestation : « Je suis aussi grand que mon père ; » et c’est là un miracle de paroles. Quand Paul, devenu convertisseur, de persécuteur qu’il était, dit, dans son Èpître aux Romains[3], c’est-à-dire à quelques Juifs qui vendaient des guenilles à Rome : « Le don de Dieu s’est répandu sur nous par la grâce donnée à un seul homme, qui est Jésus, » cela veut dire sans difficulté : « Le don de Dieu s’est répandu sur nous par la grâce donnée à un seul Dieu, qui est Jésus. »

Il n’y a qu’à s’entendre : nous avons, comme on sait, cent passages qu’il faut absolument expliquer dans un sens contraire. Ce miracle, toujours subsistant, d’entendre tout le contraire de ce qu’on lit, et de ce qu’on dit, est une des plus fortes preuves de notre sainte religion.

Il y a un miracle encore plus grand, c’est de ne se pas entendre soi-même. C’est ainsi qu’en ont usé Athanase, Cyrille, et plusieurs autres Pères. C’est un des miracles opérés par le révérend père Needham, à la grande édification des fidèles, cum devotione et cachinno.

Je conseille à ce jésuite Needham d’aller faire un tour à Gabaon et à Aïalon, pour voir comment le soleil et la lune s’y prennent pour s’arrêter sur ces deux villages. Je laisse monsieur le proposant gagner ses trois cents écus patagons par an chez

  1. Vernet.
  2. Jean, xiv, 28.
  3. v, 15.