Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/416

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nous avisions, par exemple, d’exorciser des possédés, on croirait que nous le sommes ; si nous chassions les diables, on nous chasserait avec eux. »

Je sentis par cette réponse qu’il déguisait son impuissance sous l’air de la circonspection ; en effet, il n’y a que les catholiques qui fassent des miracles. Tout le monde convient que les plus authentiques se font en Irlande. Je laisse à d’autres le soin de parler des miens. On a déjà rendu justice à mes anguilles, à la profondeur de mes raisonnements, et à mon style. Cela me suffit, et je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en dire davantage.


AVERTISSEMENT[1].

M. Covelle avait peu étudié, comme il nous l’apprend lui-même dans une de ses lettres. Son génie se développa par l’amour ; il fit un enfant à Mlle Ferbot[2], l’une de nos plus agréables citoyennes ; la chose était secrète. Le consistoire la rendit charitablement publique ; il fut obligé de comparaître. Le prédicant qui présidait[3] lui ordonna de se mettre à genoux : c’était un abus établi depuis longtemps. M. Covelle répondit qu’il ne se mettait à genoux que devant Dieu ; le modérateur lui dit que des princes avaient subi cette pénitence, « Je sais, répliqua-t-il, que cette infamie a commencé à Louis le Débonnaire ; sachez qu’elle finira à Robert Covelle[4]. »

  1. Cet Avertissement, qui est encore de Voltaire, fut ajouté par lui dans l’édition de la Collection, en 1765. (B.)
  2. Catherine Ferbot, la Briséis d’Achille Covelle, et fille d’un meunier, a été immortalisée aussi par Voltaire dans son poëme de la Guerre civile de Genève ; voyez tome IX. La 20e lettre lui est adressée.
  3. Jean-Jacques Vernet, l’un des interlocuteurs d’un des Dialogues chrétiens (voyez tome XXIV, page 134), qui est le sujet de la satire intitulée Éloge de l’Hypocrisie (voyez tome X), et de la Lettre curieuse de Robert Covelle, 1766.
  4. Le beau, le blond Covelle, citoyen de Genève, où il était horloger, ayant intenté, en outre, aux ministres du saint Évangile un procès qu’il gagna, le bruit de son héroïque résistance à la tyrannie des prêtres retentit bien vite au château de Ferney, et c’en fut assez pour que Voltaire, joignant le plaisant au grave, voulût lui donner une fête. Lorsque Covelle arriva à Ferney, dit Grimm en sa Correspondance (novembre 1768), on sonna le tocsin du château, on ouvrit les deux battants devant lui ; on le reçut avec tous les honneurs dus au courage, et, pour comble de distinction, on tira un feu d’artifice. Voltaire, pendant tout le temps que dura cette fête, ayant, en grande cérémonie, appelé Covelle monsieur le fornicateur, ses gens, qui s’imaginèrent sérieusement que cette facétieuse qualification était le titre d’une charge de la république de Genève, ne l’annonçaient plus autrement que monsieur le fornicateur Covelle. (Cl.)