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DES DÉLITS ET DES PEINES.

dustrie pour fortifier leur parti que la secte dominante n’en a pour l’exterminer. Il faut, ou qu’ils soient écrasés, ou qu’ils écrasent. C’est ce qui arriva après la persécution excitée en 303 par le césar Galérius, les deux dernières années de l’empire de Dioclétien. Les chrétiens, ayant été favorisés par Dioclétien pendant dix-huit années entières, étaient devenus trop nombreux et trop riches pour être exterminés : ils se donnèrent à Constance Chlore ; ils combattirent pour Constantin son fils, et il y eut une révolution entière dans l’empire.

On peut comparer les petites choses aux grandes, quand c’est le même esprit qui les dirige. Une pareille révolution est arrivée en Hollande, en Écosse, en Suisse. Quand Ferdinand et Isabelle chassèrent d’Espagne les Juifs, qui y étaient établis, non-seulement avant la maison régnante, mais avant les Maures et les Goths, et même avant les Carthaginois, les Juifs auraient fait une révolution en Espagne s’ils avaient été aussi guerriers que riches, et s’ils avaient pu s’entendre avec les Arabes.

En un mot, jamais secte n’a changé le gouvernement que quand le désespoir lui a fourni des armes, Mahomet lui-même n’a réussi que pour avoir été chassé de la Mecque, et parce qu’on y avait mis sa tête à prix.

Voulez-vous donc empêcher qu’une secte ne bouleverse un État, usez de tolérance ; imitez la sage conduite que tiennent aujourd’hui l’Allemagne, l’Angleterre, la Hollande. Il n’y a d’autre parti à prendre en politique, avec une secte nouvelle, que de faire mourir sans pitié les chefs et les adhérents, hommes, femmes, enfants, sans en excepter un seul, ou de les tolérer quand la secte est nombreuse. Le premier parti est d’un monstre, le second est d’un sage.

Enchaînez à l’État tous les sujets de l’État par leur intérêt ; que le quaker et le Turc trouvent leur avantage à vivre sous vos lois. La religion est de Dieu à l’homme ; la loi civile est de vous à vos peuples.



V.
des profanations.

Louis IX, roi de France, placé par ses vertus au rang des saints, fit d’abord une loi contre les blasphémateurs. Il les condamnait à un supplice nouveau : on leur perçait la langue avec un fer ardent. C’était une espèce de talion ; le membre qui avait