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qu’ils se soient servis de ces expressions grossières contre les Montausier, les Beauvilliers, les Bossuet et les Fénelon, chargés de l’éducation des Enfants de France.

On ne sait ce qui est plus condamnable, ou l’audace de cet emportement ridicule, ou l’imputation de cet emportement à l’auteur de l’Esprit des lois et à celui du Siècle de Louis XIV.

C’est ainsi qu’en 1753 un faussaire[1] fit une édition furtive du Siècle de Louis XIV, dans laquelle il inséra les injures les plus scandaleuses contre ce monarque et contre toute sa cour, avec les plus horribles mensonges.

Cette nouvelle méthode de défigurer les ouvrages les plus connus, et de les remplir de venin pour les mieux vendre, a commencé par l’abbé Desfontaines, qui fit une édition de la Henriade, in-12, à Évreux, dans laquelle il glissa ces deux vers avec plusieurs autres dans le même goût :

Et malgré les Perrault, et malgré les Houdart,
On verra le bon goût fleurir de toute part[2].

On imprima, il y a quelques années, sous le nom de M. de Voltaire, un ouvrage assez connu, où l’on a forgé plus de trois cents vers tels que ceux-ci :

Il eût mieux fait, certes, le pauvre sire,
De se gaudir avec sa Margoton, etc....

Voilà les traits les plus honnêtes de tous ceux qu’on osa mettre sur le compte d’un homme qui ne passe pas pour écrire de ce style. Ces vers sont assez dignes de la prose qu’on lui attribue, et ressemblent fort au toutou[3].

Ainsi, pendant qu’il consacrait toute sa vie à la retraite, à l’étude, et aux arts, on s’est servi de son nom pour décrier ces mêmes arts. Et quiconque a voulu procurer du débit à un ouvrage n’a pas manqué de le vendre sous ce nom trop connu.

Il n’y a point d’hommes de lettres un peu au fait de la librairie qui ne sache que le Dictionnaire philosophique est de plusieurs mains, et on en a des preuves authentiques. Cependant des calomniateurs se sont acharnés à l’attribuer à l’auteur de la Henriade ; et de pareilles calomnies se renouvellent tous les jours.

  1. La Beaumelle ; voyez les Avertissements de Beuchot, tome XIV, et tome XV, page 87.
  2. Voyez, tome VIII, la Préface de Marmontel pour la Henriade.
  3. Voyez page 581, note 1.