Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/132

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On cite ici le livre d’Hubner parmi cent autres, parce qu’on a été obligé par hasard d’en lire quelque chose, ainsi que du Spectacle de la nature[1], où il est dit que Moïse est un grand physicien ; que la lumière arrive des étoiles sur la terre en sept minutes, et que le chien de monsieur le chevalier s’appelle Moufflar.

Ces inepties nombreuses ne font nul mal, ne portent préjudice à personne, et sont aisément rectifiées par les instituteurs qui instruisent la jeunesse. Mais qu’un historien anglais, dans les Annales du siècle, assure que le dernier empereur de la maison d’Autriche, Charles VI, a été empoisonné par un de ses pages, lequel page s’est réfugié paisiblement à Milan ; qu’il dise que le roi de France, à la bataille de Fontenoy, ne passa jamais l’Escaut, lorsqu’il est avéré qu’il était au delà du pont de Calonne à la vue des deux armées ; qu’il dise que les Français empoisonnèrent les balles de leurs fusils en les mâchant, et en y mêlant des morceaux de verre[2] ; qu’il dise que le duc de Cumberland envoya au roi de France un coffre rempli de ces balles ; que ces absurdes mensonges soient répétés encore dans d’autres livres : voilà, ce me semble, des honnêtetés qu’il est juste de relever, et que l’auteur du Siècle de Louis XIV n’a pas passées sous silence.

DEUXIÈME HONNÊTETÉ.

Après que l’Espion turc[3] eut voyagé en France sous Louis XIV, Dufresny fit voyager un Siamois[4]. Quand ce Siamois fut parti, le président de Montesquieu donna la place vacante à un Persan, qui avait beaucoup plus d’esprit que l’on n’en a à Siam et en Turquie.

Cet exemple encouragea un nouvel introducteur des ambassadeurs, qui, dans la guerre de 1741, fit les honneurs de la France à un Espion turc[5], lequel se trouva le plus sot de tous.

Quand la paix fut faite, M. le chevalier Goudard fit les hon-

  1. De l’abbé Pluche.
  2. Voyez tome XV, page 247.
  3. L’Espion du Grand Seigneur, réimprimé sous le titre d’Espion dans les cours des princes chrétiens. L’auteur principal est J.-P. Marana, nè à Gènes, mort en 1693.
  4. Les Amusements sérieux et comiques ; l’auteur met ses observations dans la bouche d’un Siamois.
  5. L’Espion turc à Francfort, pendant la diète et le couronnement de l’empereur, en 1741, a été attribué à M. de Francheville (depuis éditeur du Siècle de Louis XIV), qui l’a désavoué.