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neurs de presque toute l’Europe à un Espion chinois qui résidait à Cologne, et qui parut en six petits volumes[1].

Il dit, page 17 du premier volume, que le roi de France est le roi des gueux[2] ; que si l’univers était submergé, Paris serait l’arche où l’on trouverait en hommes et en femmes toutes sortes de bêtes.

Il assure[3] qu’une nation naïve et gaie qui chambre ensemble ne doit pas être de mauvaise humeur contre les femmes, et que les auteurs un peu polis ne les invectivent plus dans leurs ouvrages ; cependant sa politesse ne l’empêche pas de les traiter fort mal.

Il dit[4] que le peuple de Lyon est d’un degré plus stupide que celui de Paris, et de deux degrés moins bon.

Passe encore, dira-t-on, que l’auteur, pour vendre son livre, attaque les rois, les ministres, les généraux, et les gros bénéficiers : ou ils n’en savent rien ; ou, s’ils en savent quelque chose, ils s’en moquent. Il est assez doux d’avoir ses courtisans dans son antichambre, tandis que les écrivains frondeurs sont dans la rue. Mais les pauvres gens de lettres qui n’ont point d’antichambre sont quelquefois fâchés de se voir calomniés par un lettré de la Chine, qui probablement n’a pas plus d’antichambre qu’eux.

Il y a surtout beaucoup de dames nommées par le lettré chinois, lequel proteste toujours de son respect pour le beau sexe. C’est un sûr moyen de vendre son livre. Les dames, à la vérité, ont de quoi se consoler ; mais les malheureux auteurs vilipendés n’ont pas les mêmes ressources.

TROISIÈME HONNÊTETÉ.

Le gazetier ecclésiastique[5] outrage pendant trente ans, une fois par semaine, les plus savants hommes de l’Europe, des prélats, des ministres, quelquefois le roi lui-même ; mais le tout en citant l’Écriture sainte. Il meurt inconnu, ses ouvrages meurent aussi ; et il a un successeur.

QUATRIÈME HONNÊTETÉ.

Un autre gazetier joue dans la littérature le même rôle que l’écrivain des nouvelles ecclésiastiques a joué dans l’Église de

  1. La première édition est de 1765.
  2. Page 21. (Note de Voltaire)
  3. Pages 69 et 70. (Id.)
  4. Page 89. (Note de Voltaire)
  5. Voyez les notes, tome XXI, p. 419, et tome XXIII, page 460.