Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/145

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après quoi on l’a confiné dans son village, près de Montpellier.

Ce La Beaumelle est le même qui a depuis fait imprimer[1] des Lettres falsifiées de M. de Voltaire, à Amsterdam, à Avignon, accompagnées de notes infâmes contre les premiers de l’État.

On a toujours du goût pour son premier métier[2].

On demande, après de pareils exemples, s’il ne vaut pas mille fois mieux être laquais dans une honnête maison que d’être le bel esprit des laquais ; et on demande si l’auteur d’un petit poëme intitulé le Pauvre Diable n’a pas eu raison de dire[3] :

J’estime plus ces honnêtes enfants
Qui de Savoie arrivent tous les ans,
Et dont la main légèrement essuie
Ces longs canaux engorgés par la suie ;
J’estime plus celle qui, dans un coin,
Tricote en paix les bas dont j’ai besoin ;
Le cordonnier qui vient de ma chaussure
Prendre à genoux la forme et la mesure,
Que le métier de tes obscurs Frérons ;
Maître Abraham et ses vils compagnons
Sont une espèce encor plus odieuse.
Quant aux catins, j’en fais assez de cas :
Leur art est doux, et leur vie est joyeuse ;
Si quelquefois leurs dangereux appas
À l’hôpital mènent un pauvre diable,
Un grand benêt qui fait l’homme agréable,
Je leur pardonne : il l’a bien mérité.

Je cite ces vers pour faire voir combien ce métier de petits barbouilleurs, de petits folliculaires, de petits calomniateurs, de petits falsificateurs du coin de la rue, est abominable : car, pour celui des belles demoiselles qui ruinent un sot, je n’en fais pas tout à fait le même cas que l’auteur du Pauvre Diable ; on doit avoir de l’honnêteté pour elles sans doute, mais avec quelques restrictions.

DIX-HUITIÈME HONNÊTETÉ.

Le fils d’un laquais de M. de Maucroix, lequel fils fut laquais aussi quelque temps, et qui servit souvent à boire à l’abbé d’OIi-

  1. Dans les diverses éditions le volume est intitulé Lettres secrètes de M. de Voltaire, publiées par M. L. B. Mais il paraît certain que l’éditeur fut Robinet, mort en 1817, et qui peut avoir eu l’intention de faire tomber les soupçons sur La Beaumelle.
  2. La Pucelle, chant IX, vers 302.
  3. Vers 386-402.