Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/163

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porte d’enfer ; les Nicole, loup ravissant, et les d’Alembert, bête puante[1] ? Pourquoi, lorsqu’un ouvrage réussit, crient-ils toujours à l’hérétique, au déiste, à l’athée ? La prétention au bel esprit est la grande cause de cette maladie épidémique.

Ce n’est certainement pas pour rendre service à la religion catholique, apostolique et romaine, qu’ils crient partout que les premiers mathématiciens du siècle, les premiers philosophes, les plus grands poëtes et orateurs, les plus exacts historiens, les magistrats les plus consommés dans les lois, tous les officiers d’armée qui s’instruisent, ne croient pas à la religion catholique, apostolique et romaine, contre laquelle les portes de l’enfer ne prévaudront jamais[2]. On sent bien que les portes de l’enfer prévaudraient s’il était vrai que tout ce qu’il y a de plus éclairé dans l’Europe déteste en secret cette religion. Ces malheureux lui rendent donc un funeste service, en disant qu’elle a des ennemis dans tous ceux qui pensent.

Ils veulent eux-mêmes la décrier en cherchant des noms célèbres qui la décrient. Il est dit dans les Erreurs de Nonotte, renforcées par un autre homme de bien qui l’a aidé, page 118, « qu’à la vérité M. de Voltaire n’attaque point l’autorité des livres divins, qu’il montre même pour eux du respect ; mais que cela n’empêche point qu’il ne s’en moque dans son cœur » ; et de là il conclut que tout le monde en fait autant, et que lui Nonotte pourrait bien s’en moquer aussi avec une direction d’intention.

Ah ! impie Nonotte ! blasphémateur Nonotte ! Prions Dieu, mes frères, pour sa conversion.

Ce qui damne principalement Nonotte, Patouillet, et consorts, est précisément ce qui a traduit frère Berthier en purgatoire : c’est la rage du bel esprit. Croiriez-vous bien, mes frères, que Nonotte, dans son libelle théologique, trouve mauvais que l’auteur du Siècle de Louis XIV ait mis Quinault au rang des grands hommes ? Nonotte trouve Quinault plat : quoi ! tu n’aimes pas l’auteur d’Atys et d’Armide ! tant pis, Nonotte ; cela prouve que tu as l’âme dure, et point d’oreille, ou trop d’oreille.

Non sa quel che sia amor, non sa che vaglia
La caritade, e quindi avvien che i Preti
Sono si ingordi e si crudel canaglia.

(Arioste, Satire sur le Mariage[3].)
  1. Voyez la Douzième Honnêteté, page 129.
  2. « Et portæ inferi non prævalebunt adversus eam. » (Matth. xvi, 18.)
  3. Voyez tome XXI, page 477.