Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/175

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Un peuple a-t-il droit de se révolter contre l’autorité qui veut le forcer à croire ? » Jamais on ne proposa cette question ; on ne la trouve nulle part. La question était de savoir si le roi d’Angleterre avait le droit de dispenser des lois portées contre les non-conformistes. C’est précisément tout le contraire de ce que dit l’auteur.

Il s’avise de rapporter une prétendue lettre de Louis XIV, écrite vers l’an 1698 au prince d’Orange, depuis roi d’Angleterre, conçue en ces termes : « J’ai reçu la lettre par laquelle vous me demandez mon amitié : je vous l’accorderai quand vous en serez digne ; sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde. »

Quel ministre, quel historien, quel homme instruit a jamais rapporté une pareille lettre de Louis XIV ? Est-ce là le ton de sa politesse et de sa prudence ? Est-ce ainsi qu’on s’exprime après avoir conclu un traité ? Est-ce ainsi qu’on parle à un prince d’une maison impériale qui a gagné des batailles ? Lui parle-t-on de sainte garde ? Cette lettre n’est assurément ni dans les archives de la maison d’Orange, ni dans celles de France ; elle n’est que chez l’imposteur.

C’est avec la même audace qu’il prétend que Louis XIV, pendant le siége de Lille, dit à Mme de Maintenon : « Vos prières sont exaucées, madame ; Vendôme tient mes ennemis, vous serez reine de France. » Si un prince du sang avait entendu ces paroles, à peine pourrait-on le croire. Et c’est un polisson nommé La Beaumelle qui les rapporte sans citer le moindre garant ! Le roi pouvait-il supposer que le duc de Vendôme tînt ses ennemis pendant qu’ils étaient victorieux et qu’ils assiégeaient Lille ? Quel rapport y avait-il entre la levée du siége de Lille et le couronnement de Mme de Maintenon déclarée reine ?

Qui lui a dit que Mme la duchesse de Bourgogne eut le crédit d’empêcher le roi de déclarer reine Mme de Maintenon ? Dans quelle bibliothèque à papier bleu a-t-il trouvé que les Impériaux et les Anglais jetaient de leur camp des billets dans Lille, et que ces billets portaient : « Rassurez-vous, Français, la Maintenon ne sera pas votre reine ; nous ne lèverons pas le siége » ? Comment des assiégeants jettent-ils des billets dans une ville assiégée ? Comment ces assiégeants savaient-ils que Louis XIV devait faire Mme de Maintenon reine quand le siége serait levé ? Peut-on entasser tant de sottises avec un ton de confiance que l’homme le plus important du royaume n’oserait pas prendre, s’il faisait des mémoires pleins de vérité et de raison ?

L’histoire du prétendu mariage de monseigneur le dauphin