Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/174

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par laquelle il la demandait en mariage. On sait assez que ce conte est tiré de l’Histoire de Clotilde, histoire presque aussi fausse en tout que les Mémoires de Maintenon. On sait assez que Mademoiselle n’aurait point omis un événement si singulier dans ses mémoires, et qu’elle n’en dit pas un seul mot. On sait que si le duc de Lorraine avait eu de telles propositions à faire, il le pouvait très-aisément sans le secours d’un homme déguisé en mendiant. Enfin, en 1681, Charles, duc de Lorraine, était marié avec Marie-Éléonore, fille de l’empereur Ferdinand III, veuve de Michel, roi de Pologne. On ne peut guère imprimer des impostures plus sottes et plus grossières.

Il fait dire à Mme d’Aiguillon : « Mes neveux vont de mal en pis : l’aîné épouse la veuve d’un homme que personne ne connaît ; le second, la fille d’une servante de la reine ; j’espère que le troisième épousera la fille du bourreau. » Est-il possible qu’un homme de la lie du peuple écrive du fond de sa province des choses si extravagantes et si outrageantes contre une maison si respectable, et cela sans la moindre vraisemblance, et avec une insolence dont aucun libelle n’a encore approché ? Cet homme, aussi ignorant que dépourvu de bon sens, dit, pour justifier le goût de Louis XIV pour Mme de Maintenon, que « Cléopâtre déjà vieille enchaîna Auguste, et que Henri II brûla pour la maîtresse de son père ». Il n’y a rien de si connu dans l’histoire romaine que la conduite d’Auguste et de Cléopâtre, qu’il voulait mener à Rome en triomphe à la suite de son char. Aucun historien ne le soupçonna d’avoir la moindre faiblesse pour Cléopâtre ; et à l’égard de Henri II, qui brûla pour la duchesse de Valentinois, aucun historien sérieux n’assure qu’elle ait été la maîtresse de François Ier. On soupçonna à la vérité, et Mézerai le dit assez légèrement, que « Saint-Vallier eut sa grâce sur l’échafaud pour la beauté de Diane, sa fille unique » ; mais elle n’avait alors que quatorze ans[1] ; et, si elle avait été en effet maîtresse du roi, Brantôme n’aurait pas omis cette anecdote.

Ce falsificateur de toute l’histoire cite Gourville, qui reproche au prince d’Orange d’avoir livré la bataille de Saint-Denis ayant la paix dans sa poche ; mais il oublie que ce même Gourville dit, page 222 de ses Mémoires, que « le prince d’Orange ne reçut le traité que le lendemain de la bataille ».

Il nous dit hardiment que « les jurisconsultes d’Angleterre avaient proposé cette question du temps de la fuite de Jacques II :

  1. Voyez tome XV, page 492