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CHAPITRE IV.


gaire : donc le temple des Phéniciens subsistait douze cents ans avant Moïse ; donc la religion phénicienne était établie depuis plus longtemps encore. Cette religion annonçait l’immortalité de l’âme, ainsi que les Chaldéens et les Égyptiens. La horde juive n’eut jamais ce dogme pour fondement de sa secte. C’était, dit-on, un peuple grossier auquel Dieu se proportionnait. Dieu se proportionner ! Et à qui ? à des voleurs juifs ! Dieu être plus grossier qu’eux ! n’est-ce pas un blasphème ?


CHAPITRE IV[1].
QUI EST L’AUTEUR DU PENTATEUQUE ?

On me demande qui est l’auteur du Pentateuque : j’aimerais autant qu’on me demandât qui a écrit les quatre Fils Aymon, Robert le Diable, et l’histoire de l’enchanteur Merlin.

Newton, qui s’est avili jusqu’à examiner sérieusement cette question, prétend que ce fut Samuel qui écrivit ces rêveries, apparemment pour rendre les rois odieux à la horde juive, que ce détestable prêtre voulait gouverner. Pour moi, je pense que les Juifs ne surent lire et écrire que pendant leur captivité chez les Chaldéens, attendu que leurs lettres furent d’abord chaldaïques, et ensuite syriaques ; nous n’avons jamais connu d’alphabet purement hébreu.

Je conjecture qu’Esdras forgea tous ces contes du Tonneau[2] au retour de la captivité. Il les écrivit en lettres chaldéennes, dans le jargon du pays, comme des paysans du nord d’Irlande écriraient aujourd’hui en caractères anglais.

Les Cuthéens, qui habitaient le pays de Samarie, écrivirent ce même Pentateuque en lettres phéniciennes, qui étaient le caractère courant de leur nation, et nous avons encore aujourd’hui ce Pentateuque.

Je crois que Jérémie put contribuer beaucoup à la composition de ce roman. Jérémie était fort attaché, comme on sait, aux rois de Babylone ; il est évident, par ses rapsodies, qu’il était payé par les Babyloniens, et qu’il trahissait son pays ; il veut toujours qu’on se rende au roi de Babylone. Les Égyptiens étaient

  1. Ce chapitre a été ajouté en 1767 ; voyez la note de la page 195.
  2. Le Conte du Tonneau, ouvrage facétieux de Swift, a été traduit en français par Van Effen, 1721, trois volumes in-12.