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CHAPITRE X.


ils finissent la plupart par être pendus. Jésus le fut en effet pour avoir appelé ses supérieurs races de vipères[1] et sépulcres blanchis[2]. Il fut exécuté publiquement, mais il ressuscita en secret. Ensuite il monta au ciel[3] en présence de quatre-vingts de ses disciples[4], sans qu’aucune autre personne de la Judée le vît monter dans les nuées : ce qui était pourtant fort aisé à voir, et qui aurait fait dans le monde une assez grande nouvelle.

Notre symbole, que les papistes appellent le Credo, symbole attribué aux apôtres, et évidemment fabriqué plus de quatre cents ans après ces apôtres, nous apprend que Jésus, avant de monter au ciel, était allé faire un tour aux enfers. Vous remarquerez qu’il n’en est pas dit un seul mot dans les Évangiles, et cependant c’est un des principaux articles de la foi des christicoles ; on n’est point chrétien si on ne croit pas que Jésus est allé aux enfers.

Qui donc a imaginé le premier ce voyage ? Ce fut Athanase, environ trois cent cinquante ans après ; c’est dans son traité contre Apollinaire, sur l’incarnation du Seigneur, qu’il dit que l’âme de Jésus descendit en enfer, tandis que son corps était dans le sépulcre. Ces paroles sont dignes d’attention, et font voir avec quelle sagacité et quelle sagesse Athanase raisonnait. Voici ses propres paroles :

« Il fallait qu’après sa mort ses parties essentiellement diverses eussent diverses fonctions ; que son corps reposât dans le sépulcre pour détruire la corruption, et que son âme allât aux enfers pour vaincre la mort. »

L’Africain Augustin est du sentiment d’Athanase dans une lettre qu’il écrivit à Évodé : Quis ergo nisi infidelis negaverit fuisse apud inferos Christum ? Jérôme, son contemporain, fut à peu près du même avis, et ce fut du temps d’Augustin et de Jérôme que l’on composa ce symbole, ce Credo, qui passe chez les ignorants pour le symbole des apôtres[5].

  1. Matt., XII, 34.
  2. Marc, xxiii, 27.
  3. Actes, I, 9, 10.
  4. Monter au ciel en ligne perpendiculaire, pourquoi pas en ligne horizontale ? Monter est contre les règles de la gravitation. Il pouvait raser l’horizon, et aller dans Mercure, ou Vénus, ou Mars, ou Jupiter, ou Saturne, ou quelque étoile, ou la lune, si l’un de ces astres se couchait alors. Quelle sottise que ces mots aller au ciel, descendre du ciel ! comme si nous étions le centre de tous les globes, comme si notre terre n’était pas l’une des planètes qui roulent dans l’étendue autour de tant de soleils, et qui entrent dans la composition de cet univers, que nous nommons le ciel si mal à propos. (Note de Voltaire, 1771.)
  5. Vous voyez évidemment, lecteur, qu’on n’osa pas imaginer d’abord tant de fictions révoltantes. Quelques adhérents du Juif Jésus se contentent, dans les com-