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D’ORIGÈNE, ET DE LA TRINITÉ.


Mais une chose assez importante, et qu’on n’a peut-être pas assez relevée, c’est qu’il assure que Jésus est mort à cinquante ans passés, et non pas à trente et un, ou à trente-trois, comme on peut l’inférer des Évangiles.

Irénée[1] atteste les Évangiles pour garants de cette opinion ; il prend à témoin tous les vieillards qui ont vécu avec Jean, et avec les autres apôtres ; il déclare positivement qu’il n’y a que ceux qui sont venus trop tard pour connaître les apôtres qui puissent être d’une opinion contraire. Il ajoute même, contre sa coutume, à ces preuves de fait un raisonnement assez concluant.

L’Évangile de Jean fait dire à Jésus[2] : « Votre père Abraham a été exalté pour voir mes jours : il les a vus, et il s’en est bien réjoui ; » et les Juifs lui répondirent[3] : « Es-tu fou ? tu n’as pas encore cinquante ans, et tu te vantes d’avoir vu notre père Abraham ? »

Irénée conclut de là que Jésus était près de sa cinquantième quand les Juifs lui parlaient ainsi. En effet, si ce Jésus avait été alors âgé de trente années au plus, on ne lui aurait pas parlé de cinquante années. Enfin, puisque Irénée appelle en témoignage tous les Évangiles et tous les vieillards qui avaient ces écrits entre les mains, les Évangiles de ce temps-là n’étaient donc pas ceux que nous avons aujourd’hui. Ils ont été altérés comme tant d’autres livres. Mais, puisqu’on les changea, on devait donc les rendre un peu plus raisonnables.


CHAPITRE XXV.

D’ORIGÈNE, ET DE LA TRINITÉ.

Clément d’Alexandrie avait été le premier savant parmi les chrétiens. Origène fut le premier raisonneur. Mais quelle philosophie que celle de son temps ! Il fut au rang des enfants célèbres, et enseigna de très-bonne heure dans cette grande ville d’Alexandrie, où les chrétiens tenaient une école publique : les chrétiens n’en avaient point à Rome. Et en effet, parmi ceux qui prenaient le titre d’évêques de Rome, on ne compte pas un seul homme illustre : ce qui est très-remarquable. Cette Église, qui devint

  1. Irénée, liv. II, chap. XXII, édition de Paris, 1710. (Note de Voltaire, 1767.)
  2. VIII, 56.
  3. VIII, 57.