Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
D’ORIGÈNE, ET DE LA TRINITÉ.


ces trois sont un en Jésus. Aucun de ces passages, tous différents les uns des autres, ne se trouve dans les anciens manuscrits ; aucun des Pères des trois premiers siècles ne les cite ; et d’ailleurs quel fruit en pourraient recueillir ceux qui admettent ces falsifications ? comment pourront-ils entendre que l’esprit, l’eau, et le sang, font la Trinité, et ne sont qu’un ? est-ce parce qu’il est dit[1] que Jésus sua sang et eau, et qu’il rendit l’esprit ? Quel rapport de ces trois choses à un Dieu en trois hypostases ?

La trinité de Platon était d’une autre espèce ; on ne la connaît guère : la voici telle qu’on peut la découvrir dans son Timée. Le Demiourgos éternel est la première cause de tout ce qui existe ; son idée archétype est la seconde ; l’âme universelle, qui est son ouvrage, est la troisième. Il y a quelque sens dans cette opinion de Platon. Dieu conçoit l’idée du monde. Dieu le fait. Dieu l’anime ; mais jamais Platon n’a été assez fou pour dire que cela composait trois personnes en Dieu. Origène était platonicien ; il prit ce qu’il put de Platon, il fit une trinité à sa mode. Ce système resta si obscur dans les premiers siècles que Lactance, du temps de l’empereur Constantin, parlant au nom de tous les chrétiens, expliquant la créance de l’Église, et s’adressant à l’empereur même, ne dit pas un mot de la Trinité ; au contraire, voici comme il parle, au chapitre XXIX du livre IV de ses Institutions : « Peut-être quelqu’un me demandera comment nous adorons un seul Dieu, quand nous assurons qu’il y en a deux, le Père et le Fils ; mais nous ne les distinguons point parce que le Père ne peut pas être sans son Fils, et le Fils sans son Père. »

Le Saint-Esprit fut entièrement oublié par Lactance, et quelques années après on n’en fit qu’une commémoration fort légère, et par manière d’acquit, au concile de Nicée : car après avoir fait la déclaration aussi solennelle qu’inintelligible de ce dogme son ouvrage, que le Fils est consubstantiel au Père, le concile se contente de dire simplement : Nous croyons aussi au Saint-Esprit[2].

    qui viendraient dans la salle de Westminster réclamer le bien d’un homme mort dans le pays de Galles, et qui ne voudraient pas montrer son testament ? (Note de Voltaire, 1771.) — C’est ci-dessus, page 247, et tome XIX, page 42, que Voltaire avait fait la remarque dont il parle au commencement du dernier alinéa.

  1. Luc, XXII, 44.
  2. Quelle malheureuse équivoque que ce Saint-Esprit, cet agion pneuma, dont ces christicoles ont fait un troisième Dieu ! ce mot ne signifiait que souffle. Vous trouverez dans l’Évangile attribué à Jean, chapitre XX, v. 22 : « Quand il dit ces choses, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez le Saint-Esprit. »

    Remarquez que c’était une ancienne cérémonie des magiciens, de souffler dans la bouche de ceux qu’ils voulaient ensorceler. Voilà donc l’origine du troi-