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CHAPITRE XXV.


On peut dire qu’Origène jeta les premiers fondements de cette métaphysique chimérique qui n’a été qu’une source de discorde, et qui était absolument inutile à la morale. Il est évident qu’on pouvait être aussi honnête homme, aussi sage, aussi modéré, avec une hypostase qu’avec trois, et que ces inventions théologiques n’ont rien de commun avec nos devoirs.

Origène attribue un corps délié à Dieu, aussi bien qu’aux anges et à toutes les âmes ; et il dit que Dieu le père et Dieu le fils sont deux substances différentes ; que le Père est plus grand que le Fils, le Fils plus grand que le Saint-Esprit, et le Saint-Esprit plus grand que les anges. Il dit que le Père est bon par lui-même ; mais que le Fils n’est pas bon par lui-même ; que le Fils n’est pas la vérité par rapport à son Père, mais l’image de la vérité par rapport à nous ; qu’il ne faut pas adorer le Fils, mais le Père ; que c’est au Père seul qu’on doit adresser ses prières ; que le Fils apporta du ciel la chair dont il se revêtit dans le sein de Marie, et qu’en montant au ciel il laissa son corps dans le soleil.

Il avoue que la vierge Marie, en accouchant du Fils de Dieu, se délivra d’un arrière-faix comme une autre ; ce qui l’obligea de se purifier dans le temple juif : car on sait bien que rien n’est si impur qu’un arrière-faix. Le dur et pétulant Jérôme lui a reproché aigrement, environ cent cinquante années après sa mort, beaucoup d’opinions semblables qui valent bien les opinions de Jérôme : car dès que les premiers chrétiens se mêlèrent d’avoir des dogmes, ils se dirent de grosses injures, et annoncèrent de loin les guerres civiles qui devaient désoler le monde pour des arguments.

N’oublions pas qu’Origène se signala plus que tout autre en tournant tous les faits de l’Écriture en allégories ; et il faut avouer que ces allégories sont fort plaisantes. La graisse des sacrifices est l’âme de Jésus-Christ ; la queue des animaux sacrifiés est la persévérance dans les bonnes œuvres. S’il est dit dans l’Exode, chapitre XXXIII, que Dieu met Moïse dans la fente d’un rocher afin que Moïse voie les fesses de Dieu, mais non pas son visage, cette fente du rocher est Jésus-Christ, au travers duquel on voit Dieu le père par derrière[1].

    sième dieu de ces énergumènes ; y a-t-il rien au fond de plus blasphématoire et de plus impie ? et les musulmans n’ont-ils pas raison de les regarder comme d’infâmes idolâtres ? (Note de Voltaire, 1771.)

  1. C’était une très-ancienne croyance superstitieuse, chez presque tous les peuples, qu’on ne pouvait voir les dieux tels qu’ils sont, sans mourir. C’est pourquoi Sémélé fut consumée pour avoir voulu coucher avec Jupiter tel qu’il était.