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DES ENFANTS DE CONSTANTIN, ETC.


jours la lâcheté à la barbarie, aient été séduits et encouragés au crime par la croyance où étaient alors tous les chrétiens sans exception que trois immersions dans une cuve d’eau avant la mort effaçaient tous les forfaits, et tenaient lieu de toutes les vertus. Cette malheureuse croyance a été plus funeste au genre humain que les passions les plus noires.

Quoi qu’il en soit, Constantius se déclara orthodoxe, c’est-à-dire arien, car l’arianisme prévalait alors dans tout l’Orient contre la secte d’Athanase ; et les ariens, auparavant persécutés, étaient dans ce temps-là persécuteurs.

Athanase fut condamné dans un concile de Sardique, dans un autre tenu dans la ville d’Arles, dans un troisième tenu à Milan : il parcourait tout l’empire romain, tantôt suivi de ses partisans, tantôt exilé, tantôt rappelé. Le trouble était dans toutes les villes pour ce seul mot consubstantiel. C’était un fléau que jamais on n’avait connu jusque-là dans l’histoire du monde. L’ancienne religion de l’empire, qui subsistait encore avec quelque splendeur, tirait de toutes ces divisions un grand avantage contre le christianisme.

Cependant Julien, dont Constantius avait assassiné le frère et toute la famille, fut obligé d’embrasser à l’extérieur le christianisme, comme notre reine Élisabeth fut quelque temps forcée de dissimuler sa religion sous le règne tyrannique de notre infâme Marie, et comme, en France, Charles IX força le grand Henri IV d’aller à la messe après la Saint-Barthélemy. Julien était stoïcien, de cette secte ensemble philosophique et religieuse qui produisit tant de grands hommes, et qui n’en eut jamais un méchant, secte plus divine qu’humaine, dans laquelle on voit la sévérité des brachmanes et de quelques moines, sans qu’elle en eût la superstition : la secte enfin des Caton, des Marc-Aurèle, et des Épictète.

Ce fut une chose honteuse et déplorable que ce grand homme se vît réduit à cacher tous ses talents sous Constantius, comme le premier des Brutus sous Tarquin. Il feignit d’être chrétien et presque imbécile pour sauver sa vie. Il fut même forcé d’embrasser quelque temps la vie monastique. Enfin Constantius, qui n’avait point d’enfants, déclara Julien césar ; mais il l’envoya dans les Gaules comme dans une espèce d’exil ; il y était presque sans troupes et sans argent, environné de surveillants, et presque sans autorité.

Différents peuples de la Germanie passaient souvent le Rhin et venaient ravager les Gaules, comme ils avaient fait avant