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DES ENFANTS DE CONSTANTIN, ETC.


doret ? Le paganisme et le christianisme partageaient l’empire. Il donna la préférence à la secte de ses pères, et il avait grande raison en politique, puisque, sous l’ancienne religion, Rome avait triomphé de la moitié de la terre, et que, sous la nouvelle, tout tombait en décadence.

Loin de persécuter les chrétiens, il voulut apaiser leurs indignes querelles. Je ne veux pour preuve que sa cinquante-deuxième lettre. « Sous mon prédécesseur plusieurs chrétiens ont été chassés, emprisonnés, persécutés ; on a égorgé une grande multitude de ceux qu’on nomme hérétiques, à Samosate, en Paphlagonie, en Bithynie, en Galatie, en plusieurs autres provinces ; on a pillé, on a ruiné des villes. Sous mon règne, au contraire, les bannis ont été rappelés, les biens confisqués ont été rendus. Cependant ils sont venus à ce point de fureur qu’ils se plaignent de ce qu’il ne leur est plus permis d’être cruels, et de se tyranniser les uns les autres. »

Cette seule lettre ne suffirait-elle pas pour confondre les calomnies dont les prêtres chrétiens l’accablèrent ?

Il y avait dans Alexandrie un évêque nommé George, le plus séditieux et le plus emporté des chrétiens ; il se faisait suivre par des satellites ; il battait les païens de ses mains ; il démolissait leurs temples. Le peuple d’Alexandrie le tua. Voici comment Julien parle aux Alexandrins dans son épître dixième :

« Quoi ! au lieu de me réserver la connaissance de vos outrages, vous vous êtes laissé emporter à la colère ! vous vous êtes livrés aux mêmes excès que vous reprochez à vos ennemis ! George méritait d’être traité ainsi, mais ce n’était pas à vous d’être ses exécuteurs. Vous avez des lois, il fallait demander justice, etc. »

Je ne prétends point répéter ici et réfuter tout ce qui est écrit dans l’Histoire ecclésiastique, que l’esprit de parti et de faction a toujours dictée. Je passe à la mort de Julien, qui vécut trop peu pour la gloire et pour le bonheur de l’empire. Il fut tué au milieu de ses victoires contre les Perses, après avoir passé le Tigre et l’Euphrate, à l’âge de trente et un ans, et mourut comme il avait vécu, avec la résignation d’un stoïcien, remerciant l’Être des êtres, qui allait rejoindre son âme à l’âme universelle et divine.

On est saisi d’indignation quand on lit dans Grégoire de Nazianze et dans Théodoret que Julien jeta tout son sang vers le ciel en disant : Galiléen, tu as vaincu. Quelle misère ! quelle absurdité ! Julien combattait-il contre Jésus ? et Jésus était-il le Dieu des Perses ?

On ne peut lire sans horreur les discours que le fougueux