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DE L'ANCIEN TESTAMENT. 345

sont-ils tous deux amoureux de la vieille épouse d'Abraham ? Ce ne sont là que des difficultés historiques : l'essentiel est d'obéir à Dieu, La sainte Écriture nous représente toujours Abraham comme soumis sans réserve aux volontés du Très-Haut; songeons à l'imi- ter plutôt qu'à disputer.

Or sur le soir deux anges vinrent à Sodome, etc.^. C'est ici une pierre de scandale pour les examinateurs qui n'écoutent que leur raison. Deux anges, c'est-à-dire deux créatures spirituelles, deux ministres célestes de Dieu, qui ont un corps terrestre, qui inspi- rent des désirs infâmes à toute une ville, et même aux vieillards; un père de famille qui veut prostituer ses deux filles pour sauver l'honneur de ces deux anges ; une ville changée en un lac par le feu ; une femme métamorphosée en une statue de sel ; deux filles qui trompent et qui enivrent leur père pour commettre un inceste avec lui, de peur, disent-elles, que sa race ne périsse, tandis qu'elles ont tous les habitants de la ville de Tlisoar parmi lesquels elles peuvent choisir ! Tous ces événements rassemblés forment une image révoltante ; mais si nous sommes raison- nables, nous conviendrons avec saint Clément d'Alexandrie, et avec tous les Pères qui l'ont suivi, que tout est ici allégorique.

Souvenons-nous que c'était la manière d'écrire de tout l'Orient. Les paraboles furent si longtemps en usage que l'auteur de toute vérité, quand il vint sur la terre, ne parla aux Juifs qu'en paraboles.

Les paraboles composent toute la théologie profane de l'anti- quité. Saturne, qui dévore ses enfants, est visiblement le temps, qui détruit ses propres ouvrages. 3Iinerve est la sagesse ; elle est formée dans la tête du maître des dieux. Les flèches de l'enfant Cupidon et son bandeau ne sont que des figures trop sensibles. La chute de Phaéton est un emblème admirable des ambitieux. Tout n'est pas allégorie dans la théologie païenne, tout ne l'est pas non plus dans l'histoire sacrée du peuple juif. Les Pères distin- guent tout ce qui est purement historique, ou purement parabole, et ce qui est mêlé de l'un et de l'autre. Il est difficile, j'en con- viens, de marcher dans ces chemins escarpés ; mais pourvu que nous apprenions à nous conduire dans le chemin de la vertu, qu'importe celui de la science?

Le crime que Dieu punit ici est horrible ; que cela nous suf- fise. La femme de Loth est changée en statue de sel pour avoir regardé derrière elle. Modérons les emportements de notre

1. Genèse, xix tout entier. (Note de Voltaire.)

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