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CHAPITRE III.

ral, on peut dire que les lois des Arabes, adoptées par les Turcs, leurs vainqueurs, sont bien aussi sensées pour le moins que les coutumes de nos provinces, qui sont toujours en opposition les unes avec les autres.

Mon oncle faisait grand cas de la jurisprudence turque. Je m’aperçus bien, dans mon voyage à Constantinople, que nous connaissons très-peu ce peuple, dont nous sommes si voisins. Nos moines ignorants n’ont cessé de le calomnier. Ils appellent toujours sa religion sensuelle ; il n’y en a point qui mortifie plus les sens. Une religion qui ordonne cinq prières par jour, l’abstinence du vin, le jeûne le plus rigoureux ; qui défend tous les jeux de hasard ; qui ordonne, sous peine de damnation, de donner deux et demi pour cent de son revenu aux pauvres, n’est certainement pas une religion voluptueuse, et ne flatte pas, comme on l’a tant dit, la cupidité et la mollesse[1]. On s’imagine, chez nous, que chaque bacha a un sérail de sept cents femmes, de trois cents concubines, d’une centaine de jolis pages, et d’autant d’eunuques noirs. Ce sont des fables dignes de nous. Il faut jeter au feu tout ce qu’on a dit jusqu’ici sur les musulmans. Nous prétendons qu’ils sont autant de Sardanapales, parce qu’ils ne croient qu’un seul dieu. Un savant Turc de mes amis, nommé[2] Notmig, travaille à présent à l’histoire de son pays ; on la traduit à mesure : le public sera bientôt détrompé de toutes les erreurs débitées jusqu’à présent sur les fidèles croyants.

    sante quand il donne, comme représentant le texte, des mots qui n’ont aucun rapport avec le passage dont il s’agit. On en jugera par la citation suivante, où l’on a figuré, autant que possible, la prononciation arabe :

    Verset 237. « La Djunahé aleï Koum in tallaktoumoun ennicaè : nialam temessouhounnè av tefridou lehounnè… »

    Verset 238. « Oua in tallaktoumouhounnè min cabli an temessouhounné oua cad faradtoum lehounnè, feridatan sènisfu ma laradtoum. »

    Traduction latine de Marraci : « Non erit piaculum super vos si repudietis uxores quandiu non tetigeristis eas per conjugium… Quod si repudietis eas antequam tangatis eas : et jam sanxeritis eis sanctionem, etc. »

    Tous les éléments de cette note m’ont été fournis par M. Blanchi, interprète du roi pour les langues orientales. (B.)

  1. Voyez tome XI, page 210 ; XX, 20.
  2. M. l’abbé Mignot, conseiller au grand conseil, neveu de M. de Voltaire (K.) — L’Histoire de l’empire ottoman, par l’abbé Mignot, a paru en 1771, quatre volumes in-12 ; 1788, quatre volumes in-8o.