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DE WARBURTON.

trompé son peuple chéri ; la religion juive est donc fausse ; la chrétienne, fondée sur la juive, ne s’appuie donc que sur un tronc pourri. Quel est le but de cet homme audacieux ? Je n’en sais encore rien. Il flatte le gouvernement : s’il obtient un évêché, il sera chrétien ; s’il n’en obtient point, j’ignore ce qu’il sera. Il a déjà fait deux gros volumes sur la légation de Moïse, dans lesquels il ne dit pas un seul mot de son sujet. Cela ressemble au chapitre des coches, où Montaigne parle de tout, excepté de coches ; c’est un chaos de citations dont on ne peut tirer aucune lumière. Il a senti le danger de son audace, et il a voulu l’envelopper dans les obscurités de son style. Il se montre enfin plus à découvert dans son troisième volume. C’est là qu’il entasse tous les passages favorables à son impiété, et qu’il écarte tous ceux qui appuient l’opinion commune. Il va chercher dans Job, qui n’était pas Hébreu, ce passage équivoque[1] : « Comme le nuage qui se dissipe et s’évanouit, ainsi est au tombeau l’homme, qui ne reviendra plus. »

« Et ce vain discours d’une pauvre femme à David[2] : « Nous devons mourir ; nous sommes comme l’eau répandue sur la terre, qu’on ne peut plus ramasser. »

« Et ces versets du psaume lxxxviii[3] : « Les morts ne peuvent se souvenir de toi. Qui pourra te rendre des actions de grâces dans la tombe ? que me reviendra-t-il de mon sang quand je descendrai dans la fosse ? La poussière t’adressera-t-elle des vœux ? déclarera-t-elle la vérité ?

« Montreras-tu tes merveilles aux morts ? Les morts se lèveront-ils ? Auras-tu d’eux des prières ? »

« Le livre de l’Ecclésiaste, dit-il (page 170), est encore plus positif. « Les vivants savent qu’ils mourront[4], mais les morts ne savent rien ; point de récompense pour eux, leur mémoire périt à jamais. »

« Il met ainsi à contribution Ézéchiel, Jérémie, et tout ce qu’il peut trouver de favorable à son système.

« Cet acharnement à répandre le dogme funeste de la mortalité de l’âme a soulevé contre lui tout le clergé. Il a tremblé que

  1. Job, vii, 9.
  2. II. Rois, xiv, 14.
  3. Je ne les ai pas trouvés dans le psaume lxxxviii. Je n’ai même pu trouver les deux premières phrases de la citation dans aucun psaume. Les deux qui les suivent sont dans le psaume xxix, verset 11 : Quæ utilitas in sanguine meo, etc. La fin est en partie dans le psaume lxxxvii, verset 11 et suiv. (B.)
  4. Ecclésiaste, ix, 5.