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CHAPITRE XXI.

leurs atomes. Je vous avoue que je n’y entends rien ; mais cette doctrine m’a paru aussi bonne qu’une autre ; il faut bien avoir une opinion quand on commence à fréquenter la bonne compagnie. J’ai beaucoup d’envie de m’instruire ; mais il m’a paru jusqu’ici plus commode de penser sans rien savoir. »

Platon lui dit : « Si vous avez quelque désir de vous éclairer, je suis magicien, et je vous ferai voir des choses fort extraordinaires : ayez seulement la bonté de m’accompagner à ma maison de campagne, qui est à cinq cents pas d’ici, et peut-être ne vous repentirez-vous pas de votre complaisance. » Madétès le suivit avec transport. Dès qu’ils furent arrivés, Platon lui montra un squelette ; le jeune homme recula d’horreur à ce spectacle nouveau pour lui. Platon lui parla en ces termes :

« Considérez bien cette forme hideuse qui semble être le rebut de la nature ; et jugez de mon art par tout ce que je vais opérer avec cet assemblage informe, qui vous a paru si abominable.

« Premièrement, vous voyez cette espèce de boule qui semble couronner tout ce vilain assemblage. Je vais faire passer par la parole, dans le creux de cette boule, une substance moelleuse et douce, partagée en mille petites ramifications, que je ferai descendre imperceptiblement par cette espèce de long bâton à plusieurs nœuds que vous voyez attaché à cette boule, et qui se termine en pointe dans un creux. J’adapterai au haut de ce bâton un tuyau par lequel je ferai entrer l’air, au moyen d’une soupape qui pourra jouer sans cesse ; et bientôt après vous verrez cette fabrique se remuer d’elle-même.

« À l’égard de tous ces autres morceaux informes qui vous paraissent comme des restes d’un bois pourri, et qui semblent être sans utilité comme sans force et sans grâce, je n’aurai qu’à parler, et ils seront mis en mouvement par des espèces de cordes d’une structure inconcevable. Je placerai au milieu de ces cordes une infinité de canaux remplis d’une liqueur qui, en passant par des tamis, se changera en plusieurs liqueurs différentes, et coulera dans toute la machine vingt fois par heure. Le tout sera recouvert d’une étoffe blanche, moelleuse et fine. Chaque partie de cette machine aura un mouvement particulier qui ne se démentira point. Je placerai entre ces demi-cerceaux, qui ne semblent bons à rien, un gros réservoir fait à peu près comme une pomme de pin : ce réservoir se contractera et se dilatera à chaque moment avec une force étonnante. Il changera la couleur de la liqueur qui passera dans toute la machine. Je placerai non loin de lui un sac percé en deux endroits, qui ressemblera au tonneau des