Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
415
DIATRIBES DE L’ABBÉ BAZIN.

Danaïdes : il se remplira et se videra sans cesse ; mais il ne se remplira que de ce qui est nécessaire, et ne se videra que du superflu. Cette machine sera un si étonnant laboratoire de chimie, un si profond ouvrage de mécanique et d’hydraulique, que ceux qui l’auront étudié ne pourront jamais le comprendre. De petits mouvements y produiront une force prodigieuse : il sera impossible à l’art humain d’imiter l’artifice qui dirigera cet automate. Mais, ce qui vous surprendra davantage, c’est que cet automate s’étant approché d’une figure à peu près semblable, il s’en formera une troisième figure. Ces machines auront des idées ; elles raisonneront, elles parleront comme vous ; elles pourront mesurer le ciel et la terre. Mais je ne vous ferai point voir cette rareté si vous ne me promettez que, quand vous l’aurez vue, vous avouerez que j’ai beaucoup d’esprit et de puissance.

MADÉTÈS.

Si la chose est ainsi, j’avouerai que vous en savez plus qu’Épicure, et que tous les philosophes de la Grèce.

PLATON.

Hé bien ! tout ce que je vous ai promis est fait. Vous êtes cette machine, c’est ainsi que vous êtes formé, et je ne vous ai pas montré la millième partie des ressorts qui composent votre existence ; tous ces ressorts sont exactement proportionnés les uns aux autres ; tous s’aident réciproquement : les uns conservent la vie, les autres la donnent, et l’espèce se perpétue de siècle en siècle par un artifice qu’il n’est pas possible de découvrir. Les plus vils animaux sont formés avec un appareil non moins admirable, et les sphères célestes se meuvent dans l’espace avec une mécanique encore plus sublime : jugez après cela si un être intelligent n’a pas formé le monde, si vos atomes n’ont pas eu besoin de cette cause intelligente. »

Madétès, étonné, demanda au magicien qui il était. Platon lui dit son nom : le jeune homme tomba à genoux, adora Dieu, et aima Platon toute sa vie.

Ce qu’il y a de très-remarquable pour nous, c’est qu’il vécut avec les épicuriens comme auparavant. Ils ne furent point scandalisés qu’il eût changé d’avis. Il les aima, il en fut toujours aimé. Les gens de sectes différentes soupaient ensemble gaiement chez les Grecs et chez les Romains. C’était le bon temps.