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NOTES SUR UNE LETTRE


avait fait abjuration de la religion catholique à Genève pour aller vivre en France ; c’est une basse ingratitude mêlée d’une envie secrète contre M. Helvétius, l’un de ses bienfaiteurs ; c’est une calomnie infâme : car jamais M. Helvétius n’enseigna le matérialisme ; il se déclara hautement contre cette opinion ; il désavoua comme le grand Fénelon, archevêque de Cambrai, tout ce qu’on avait trouvé de répréhensible dans son ouvrage. Il se rétracta avec la simplicité d’une âme respectable, il força ses persécuteurs à l’estimer. C’était une atrocité abominable au sieur Jean-Jacques de rouvrir des plaies qui saignaient encore, et de se rendre l’accusateur d’un homme qui avait eu pour lui les plus grandes bontés. Peut-il s’étonner après cela d’avoir été détesté et maudit ?

Page 10. — Les petits garçons et les petites filles lui jetèrent des pierres.

Il est vrai qu’on jeta quelques pierres à Jean-Jacques Rousseau et à la nommée Levasseur, qu’il traîne partout avec lui, et qui était apparemment la confidente de Mme  de Volmar. Cela pouvait avoir causé du scandale à Moutiers-Travers, et avoir été l’occasion de cette grêle de pierres, qui n’a pourtant pas été considérable, et dont aucune n’atteignit le sieur Jean-Jacques ni la Levasseur. Il est naturel que l’extrême laideur de cette créature, et la figure grotesque de Jean-Jacques déguisé en Arménien, aient induit ces petits garçons à faire des huées et à jeter quelques cailloux ; mais il est faux que Jean-Jacques ait couru le moindre danger.

La requête que le sieur Jean-Jacques Rousseau présenta pour être enfermé ne fut point adressée précisément à Leurs Excellences du conseil de Berne, mais à monsieur le bailli, gouverneur de l’île Saint-Pierre, où Jean-Jacques était alors caché ; il prie ce magistrat d’obtenir pour lui cette grâce. Il aurait été en effet très à plaindre d’être réduit à cette extrémité, si ses fureurs orgueilleuses et extravagantes ne l’avaient pas rendu indigne de toute pitié.

La condamnation des Lettres de la montagne, qualifiées de calomnies atroces par les seigneurs plénipotentiaires, est du 25 juillet 1766.

Ces Lettres de la montagne sont un ouvrage encore plus insensé, s’il est possible, que la profession de foi qu’il signa entre les mains