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494 LETTRE

des anciennes prophéties des préceptes de morale, auquel on attribue des miracles, est le héros de cette secte : douze fanatiques se répandent d'Orient en Italie, etc. »

Il est triste que l'auteur de ce morceau, d'ailleurs profond et sublime, se soit laissé emporter à une hardiesse si fatale à notre sainte religion. Rien n'est plus pernicieux. Cependant cette licence prodigieuse n'a presque point excité de rumeurs. Il est bien à souhaiter que ce livre soit peu répandu. On n'en a tiré, à ce que je présume, qu'un petit nombre d'exemplaires.

Le discours de l'empereur Julien contre le christianisme, tra- duit à Berlin par le marquis d'Argens, chambellan du roi de Prusse, et dédié au prince Ferdinand de Brunsvick, serait un coup non moins funeste porté à notre religion si l'auteur n'avait pas eu le soin de rassurer par des remarques savantes les esprits effa- roucjiés. L'ouvrage est précédé d'une Préface sage et instructive, dans laquelle il rend justice (il est vrai) aux grandes qualités et aux vertus de Julien, mais dans laquelle aussi il avoue les erreurs funestes de cet empereur. Je pense, monseigneur, que ce livre ne vous est pas inconnu, et que votre christianisme n'en a pas été ébranlé.

LETTRE VIT.

SUR LES FRANÇAIS.

Vous avez, je crois, très-bien deviné, monseigneur, qu'en France il y a plus d'hommes accusés d'impiété que de véritables impies; de même qu'on y a vu beaucoup plus de soupçons d'em- poisonnements que d'empoisonneurs.

1 L'inquiétude, la vivacité, la loquacité, la pétulance française supposa toujours plus de crimes qu'elle n'en commit. C'est pour- quoi il meurt rarement un prince chez Mézerai sans qu'on lui ait donné le boucon. Le jésuite Garasse et le jésuite Hardouin trouvent partout des athées. Force moines, ou gens pires que moines, craignant la diminution de leur crédit, ont été des sen- tinelles criant toujours : Qui vive? l'ennemi est aux portes. Grâces soient rendues à Dieu de ce que nous avons bien moins de gens niant Dieu qu'on ne l'a dit.

1. A l'exception des articles Bayle, Mademoiselle Huber, Montesquieu, La Métrie, Meslier, Voltaire avait, en 1770, fait de la fin de cette lettre la quatrième section de l'article Athéisme dans les Questions sur l'Encyclopédie: voyez la note 2, tome XVII, page 468.

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