Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/529

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR LES JUIFS. 519

l'une et l'autre religion! Plaignons ceux qui, effrayés de dix-sept siècles de contradictions, et lassés de tant de disputes, se sont -jetés dans le théisme, et n'ont voulu admettre qu'un Dieu avec une morale pure. S'ils ont conservé la charité, ils ont ahandonné la foi; ils ont cru être hommes au lieu d'être chrétiens. Ils de- vaient être soumis, et ils n'ont aspiré qu'à être sages! Mais com- bien la folie de la croix est-elle supérieure à cette sagesse ! comme dit l'apôtre Paul^

d'orocio.

Orobio était un rabbin si savant qu'il n'avait donné dans aucune des rêveries qu'on reproche à tant d'autres rabbins; pro- fond sans être obscur, possédant les belles-lettres, homme d'un esprit agréable et d'une extrême politesse. Philippe Limborch, théologien du parti des arminiens dans Amsterdam, fit connais- sance avec lui vers l'an 1685 : ils disputèrent longtemps ensemble, mais sans aucune aigreur, et comme deux amis qui veulent s'é- clairer. Les conversations éclaircissent bien rarement les sujets qu'on traite; il est difficile de suivre toujours le même objet, et de ne pas s'égarer; une question en amène une autre. On est tout étonné, au bout d'un quart -d'heure, de se trouver hors de sa route. Ils prirent le parti de mettre par écrit les objections et les réponses, qu'ils firent ensuite imprimer tous deux en 1687. C'est peut-être la première dispute entre deux théologiens dans laquelle on ne se soit pas dit des injures; au contraire, les deux adversaires se traitent l'un et l'autre avec respect.

Limborch réfute les sentiments du très-savant et très-illustre juif, qui réfute avec les mêmes formules les opinions du très- savant et très-illustre chrétien. Orobio même ne parle jamais de Jésus-Christ qu'avec la plus grande circonspection. Voici le précis de la dispute :

Orobio soutient d'abord que jamais il n'a été ordonné aux Juifs par leur loi de croire à un Messie;

Qu'il n'y a aucun passage dans l'Ancien Testament qui fasse dépendre le salut d'Israël de la foi au Messie ;

Qu'on ne trouve nulle part qu'Israël ait été menacé de n'être plus le peuple choisi, s'il ne croyait pas au futur Messie ;

Que dans aucun endroit il n'est dit que la loi judaïque soit l'ombre et la figure d'une autre loi ; qu'au contraire il est dit partout que la loi de Moïse doit être éternelle ;

1. I. Cor., I, i8.

�� �