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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/560

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530 LE DINER DU COMTE

Si l'Église a voulu toujours euvaliir, si elle a employé toujours toutes les armes possibles pour uous ôter nos biens et nos vies, depuis la prétendue aventure d'Ananie et de Saphire, qui avaient, dit-on, apporté aux pieds de Simon Barjone le prix de leurs liéritages, et qui avaient gardé quelques dragmes pour leur subsistance^; s'il est évident que l'histoire de l'Église est une suite continuelle de querelles, d'impostures, de vexations, de four- beries, de rapines et de meurtres; alors il est démontré que l'abus est dans la chose même, comrhe il est démontré qu'un loup a toujours été carnassier, et que ce n'est point par quelques abus passagers qu'il a sucé le sang de nos moutons,

l'abbé. Vous en pourriez dire autant de toutes les religions,

LE COMTE,

î*oint du tout; je vous défie de me montrer une seule guerre excitée pour le dogme dans une seule secte de l'antiquité. Je vous défie de me montrer chez les Romains un seul homme persécuté pour ses opinions, depuis Romulus jusqu'au temps où les chré- tiens vinrent tout bouleverser. Cette absurde barbarie n'était ré- servée qu'à nous. Vous sentez, en rougissant, la vérité qui vous presse, et vous n'avez rien à répondre,

l'abbé.

Aussi je ne réponds rien. Je conviens que les disputes théolo- giques sont absurdes et funestes.

M. FRÉRET.

Convenez donc aussi qu'il faut couper par la racine un arbre qui a toujours porté des poisons.

l'abbé.

C'est ce que je ne vous accorderai point, car cet arbre a aussi quelquefois porté de bons fruits. Si une république a toujours été dans les dissensions, je ne veux pas pour cela qu'on détruise la république. On peut réformer ses lois.

LE COMTE.

Il n'en est pas d'un État comme d'une religion. Venise a ré- formé ses lois, et a été florissante; mais quand on a voulu réfor- mer le catholicisme, l'Europe a nagé dans le sang; et en dernier lieu, quand le célèbre Locke, voulant ménager à la fois les im- postures de cette religion et les droits de l'humanité, a écrit son livre du Christianisme raisonnable^-, il n'a pas eu quatre disciples :

t. Actes des apôtres, chap. v. (Note de Voltaire.) 2. Voyez, ci-dessus, la note 2 de la page 483.

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