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L’ÉPÎTRE

sacrées, des préceptes respectables. On croyait que l’àme, prête à se dégager des liens du corps, et à moitié réunie avec la Divinité, voyait l’avenir et la vérité qui se montrait alors sans nuage. Suivant ce préjugé, les judéo-christicoles forgent, dès le ier siècle de l’Église, le Testament des douze patriarches, écrit en grec, qui doit servir de prédiction et de préparation au nouveau royaume de Jésus. On trouve dans le Testament de Ruben[1] ces paroles : προσϰυνήσετε τῷ σπέρματι αὐτοῦ, ὅτι ὑπὲρ ὑμῶν ἀποθανεῖται ἐν πολέμοις ὁρατοῖς ϰαὶ ἀοράτοῖς, ϰαὶ ἔσται ἐν ὑμῖν βασιλεὺς αἰὠνων. « Adorez son sperme, car il mourra pour vous dans des guerres visibles et invisibles, et il sera votre roi éternellement. » On applique cette prophétie à Jésus, selon la coutume de ceux qui écrivirent cinquante-quatre Évangiles en divers lieux, et qui presque tous tâchèrent de trouver dans les écrivains juifs, et surtout dans ceux qu’on appelle prophètes, des passages qu’on pouvait tordre en faveur de Jésus. Ils en supposèrent même plusieurs évidemment reconnus pour faux. L’auteur de ce Testament des patriarches est donc le plus effronté et le plus maladroit faussaire qui ait jamais barbouillé du papier d’Égypte : car ce livre fut écrit dans Alexandrie, dans l’école d’un nommé Marc.

DEUXIÈME IMPOSTURE PRINCIPALE.

Ils supposèrent des lettres du roi d’Édesse à Jésus, et de Jésus à ce prétendu prince, tandis qu’il n’y avait point de roi à Édesse, ville soumise au gouvernement de Syrie, et que jamais le petit prince d’Édesse ne prit le titre de roi ; tandis qu’enfin il n’est dit dans aucun Évangile que Jésus sût écrire ; tandis que, s’il avait écrit, il en aurait laissé quelque témoignage à ses disciples. Aussi ces prétendues lettres sont aujourd’hui déclarées actes de faussaires par tous les savants.

TROISIÈME IMPOSTURE PRINCIPALE, QUI EN CONTIENT PLUSIEURS.

On forge des actes de Pilate, des lettres de Pilate, et jusqu’à une histoire de la femme de Pilate ; mais surtout les lettres de Pilate sont curieuses ; en voici un fragment :

« Il est arrivé depuis peu, et je l’ai vérifié, que les Juifs, par

  1. Voyez Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, par J.-A. Fabricius, seconde édition ; Hambourg, 1722, tome II, page 532. Il en existe une traduction française par Fr. Macé, d’après le latin de Robert, 1713, in-12.