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134 CHAPITRE VI.

roi et de reine qui perpétuent cette race royale et qui président aux ouvrages ; il les a tus, il les a dessinés, et il renvoie aux Mille et une Nuits et à VHistoire de la reine cTAchem la prétendue reine abeille avec son sérail. Il y a ensuite la race des bourdons, qui n'a aucune relation avec la première, et enfin la grande famille des abeilles ouvrières, partagées en mâles et en femelles, qui forment le corps de la république. Ce sont les abeilles femelles qui déposent leurs œufs dans les cellules qu'elles ont formées.

Comment en effet la reine seule pourrait-elle pondre et loger quarante mille œufs l'un après l'autre? Il est très-vraisemblable que M. Simon a raison. Le système le plus simple est presque toujours le véritable. Je me soucie d'ailleurs fort peu du roi et de la reine. J'aurais mieux aimé que tous ces raisonneurs m'eussent appris à guérir mes abeilles, dont la plupart moururent, il y a deux ans, pour avoir trop sucé des fleurs de tilleuls

On nous a trompés sur tous les objets de notre curiosité, depuis les éléphants jusqu'aux abeilles et aux fourmis, comme on nous a donné des contes arabes pour l'histoire, depuis Sésos- tris jusqu'à la donation de Constantin, et depuis Constantin et son laharum jusqu'au pacte que le maréchal Fabert fit avec le diable. Presque tout est obscurité dans les origines des animaux, ainsi que dans celles des peuples ; mais quelque opinion qu'on embrasse sur les abeilles et sur les fourmis, ces deux républiques auront toujours de quoi nous étonner et de quoi humilier notre raison. Il n'y a point d'insecte qui ne soit une merveille inexpli- cable.

On trouve dans les Proverbes attribués à Salomon « qu'il y a quatre clioses qui sont les plus petites de la terre, et qui sont plus sages que les sages : les fourmis, petit peuple qui se pré- pare une nourriture pendant la moisson ; le lièvre, peuple faible qui couche sur des pierres ; la sauterelle, qui, n'ayant pas de

1. Il reste encore de grandes obscurités sur la génération des abeilles, malgré les recherches d'une société économique établie en Lusace, et qui a fait de l'ob- servation des abeilles l'objet principal de ses travaux. L'opinion de M. de Réau- mur est la plus vraisemblable, à cela près qu'il parait que les mâles ne fécondent les œufs que hors du corps de la femelle, et lorsqu'ils sont déposés dans leurs cellules : ce qui explique Tusage de cette grande quantité de mâles.

Quant à l'opinion de M.' Simon, elle n'a jamais eu de partisans parmi les obser- vateurs exacts. Il reste à examiner si la différence entre la reine femelle et les ouvrières tient à ce qu'elles naissent de germes différents, ou seulement à ce qu'elles sont élevées dans des cellules plus ou moins grandes: on ignore également pourquoi il y a dans les ruches deux espèces de bourdons. (K.)

— Les observations de Réaumur sont à peu près exactes. On a seulement de- puis complété et précisé certains points. (D.)

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