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DE LA FORMATION DES xMONTAGNES. 141

quelles branches ne se prend-on pas quand on se noie dans les systèmes ^ !

2 II vaudrait autant avancer que les montagnes ont produit les mers que de prétendre que les mers ont produit les mon- tagnes.

Quel est donc le véritable système ? Celui du grand Être qui a tout fait, et qui a donné à chaque élément, à chaque espèce, à chaque genre, sa forme, sa place, et ses fonctions éternelles. Le grand Être qui a formé l'or et le fer, les arbres, l'herbe, l'homme et la fourmi, a fait l'Océan et les montagnes. Les hommes n'ont pas été des poissons, comme le dit Maillet ; tout a été probable- ment ce qu'il est par des lois immuables. Je ne puis trop répéter ' que nous ne sommes pas des dieux qui puissions créer un uni- vers avec la parole.

Il est très-vrai que d'anciens ports sont comblés, que la mer s'est retirée de Carthage, de Rosette, des deux Syrtes, de Ravenne, de Fréjus, d'Aigues-Mortes \ etc. Elle a englouti des terrains ; elle en a laissé d'autres à découvert. On triomphe de ces phénomènes, on conclut que l'Océan a caché, pendant des siècles, le mont Taurus et les Alpes sous ses flots, Quoi! parce que des atterrisse- ments ont reculé la mer de plusieurs lieues, et qu'elle aura inondé d'un autre côté quelques terrains bas, on nous persuadera qu'elle a inondé le continent pendant des milliers de siècles! Nous voyons des volcans, donc tout le globe a été en feu ; des tremblements de terre ont englouti des villes, donc tout l'univers a été la proie des flammes. Ne doit-on pas se défier d'une telle conclusion ? Les accidents ne sont pas des règles générales.

L'illustre et savant auteur de VHistoire naturelle dit, à la fin de

��1. La plupart des vallées, qu'on a supposées avoir été formées par la mer, sont évidemment l'ouvrage des torrents et des rivières qui y coulent ou qui y ont coulé autrefois : car on observe, sur les plateaux supérieurs aux vallées où cou- lent ces fleuves, les dépôts où l'on retrouve les mêmes cailloux roulés que ces rivières entraînent. (K.)

2. Dans l'édition originale, cet alinéa est ainsi conçu :

« Il serait aussi permis, on l'a déjà dit, d'avancer que les montagnes ont pro- duit les mers que de prétendre que les mers ont produit les montagnes. Car du moins les neiges dont sont couverts continuellement les sommets de ces éminences du globe, ces neiges qu'on supposerait produites avec lui, se fondant toujours en rivières, seraient à la longue un vaste amas d'eau rassemblée dans la partie la plus creuse. Ce système ne vaut rien sans doute; mais il est moins révoltant que l'autre.

« Quel est donc, etc. »

L Voyez tome XXUI, page 22G.

4. Voyez tome XI, page 4.

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