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DE LA FORMATION DES MONTAGNES. 14,3

rOcéan dans les proviucos où ces dépouilles se sont trouvées. Il \ en a en France à quarante, à clnquante'Jieues des côtes de la mer. On en trouve en Allemagne, en Espagne, et surtout en Afrique. C'est donc ici un événement tout contraire à celui qu'on a supposé d'abord : c( Ce ne sont plus les eaux du ciel qui détruisent peu à peu l'ouvrage de la mer, qui ramènent tout au niveau, et qui rendent notre terre à la mer. » C'est au contraire la mer qui s'est retirée insensiblement, dans la suite des siècles, de la Bourgogne, de la Champagne, de la ïouraine, de la Bretagne, où elle de- meurait, et qui s'en est allée vers le nord de l'Amérique. Laquelle de ces deux suppositions prendrons-nous? D'un côté, on nous dit que l'Océan vient peu à peu couvrir les Pyrénées et les Alpes; de l'autre, on nous assure qu'il s'en retourne tout entier par degrés. Il est évident que l'un des deux systèmes est faux, et il n'est pas improbable qu'ils le soient tous deux.

J'ai fait ce que j'ai pu jusqu'ici pour concilier avec lui-même le savant et éloquent académicien, auteur aussi ingénieux qu'u- tile de VHistoire naturelle. J'ai voulu rapprocher ses idées pour en tirer de nouvelles instructions; mais comment pourrai-je accor- der avec son système ce que je trouve au tome XII, page 10 S dans son discours intitulé Première Vue de la nature? « La mer irritée, dit-il, s'élève vers le ciel, et vient en mugissant se briser contre des digues inébranlables, qu'avec tous ses efforts elle ne peut ni détruire ni surmonter. La terre, élevée au-dessus du niveau de la mer, est à l'abri de ses irruptions. Sa surface, émaillée de fleurs, parée d'une verdure toujours renouvelée, peuplée de mille et mille espèces d'animaux différents, est un lieu de repos, un séjour de délices, etc. »

Ce morceau, dérobé à la poésie, semble être de Massillon ou de Fénelon, qui se permirent si souvent d'être poètes en prose; mais certainement si la mer irritée, en s'élevant vers le ciel, se brise en mugissant contre des digues inébranlables ; si elle ne peut surmonter ces digues avec tous ses efforts, elle n'a donc jamais quitté son lit pour s'emparer de nos rivages ; elle est bien loin de se mettre à la place des Pyrénées et des Alpes. C'est non- seulement contredire ce système qu'on a eu tant de peine à étayer par tant de suppositions, mais c'est contredire une vérité reconnue de tout le monde ; et cette vérité est que la mer s'est retirée à plusieurs milles de ses anciens rivages, et qu'elle en a couvert d'autres : vérité dont on a étrangement abusé.

1. Do l'édition in^".

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