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152 CHAPITRE XVI.

montagnes, comment n'en a-t-elle pas fait une seule dans cette vaste étendue

De l'autre côté, ces prétendus bancs de coquilles à trente, à quarante lieues de la nier, méritent le plus sérieux examen. J'ai fait venir de cette province, dont je suis éloigné de cent cin- quante lieues, une caisse de ce falun. Le fond de cette minière est évidemment une espèce de terre calcaire et marneuse, mêlée de talc, laquelle a quelques lieues de longueur sur environ une et demie de largeur. Les morceaux purs de cette terre pierreuse sont un peu salés au goût. Les laboureurs l'emploient pour fé- conder leurs terres, et il est très-vraisemblable que son sel les fertilise : on en fait autant dans mon voisinage avec du gypse. Si ce n'était qu'un amas de coquilles, je ne vois pas qu'il pût fumer la terre. J'aurais beau jeter dans mon champ toutes les coques desséchées des limaçons et des moules de ma province, ce serait comme si j'avais semé sur des pierres.

Quoique je sois sûr de peu de choses, je puis affirmer que je mourrais de faim si je n'avais pour vivre qu'un champ de vieilles coquilles cassées ^

En un mot il est certain, autant que mes yeux peuvent avoir de certitude, que cette marne est une espèce de terre, et non pas un assemblage d'animaux marins qui seraient au nombre de plus de cent mille milliards de milliards. Je ne sais pourquoi l'acadé- micien qui, le premier après Palissy, fit connaître cette singu- larité de la nature, a pu dire : <( Ce ne sont que de petits frag- ments de coquilles très-reconnaissables pour en être des frag- ments: car ils ont leurs cannelures très-bien marquées; seulement ils ont perdu leur luisant et leur vernis ^ »

' Il est reconnu que, dans cette mine de pierre calcaire et de

1. Tout ce que ces coquillages pourraient opérer, ce serait de diviser une terre trop compacte. On en fait autant avec du gravier. Des coquilles fraîches et pilées pourraient servir par leur huile; mais des coquillages desséchés ne sont bons à rien. {Note de Voltaire.

— Quand ces coquilles sont très-friables, elles peuvent servir d'engrais comme la craie ou la marne. (K.)

2. C'est une chose incontestable que l'existence de coquillages microscopiques dans certains calcaires ou marnes. Comme engrais, leur propriété est nulle, parce qu'ils ne contiennent plus de matière organique; comme amendements des ter- rains, CCS matières peuvent rendre de grands services. Le plâtrage imaginé par Franklin est quelque chose d'analogue. (D.}

3. Dans l'édition originale, au lieu des cinq alinéas qui terminent aujourd'hui le chapitre, on lisait :

« J'ai été étonné de trouver, dans la boîte qu'on m'a envoyée, de petites uni- valves et un coquillage qu'on nomme vis de mer, ou pyramide à cannelures, aussi

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