Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/188

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Dans l’ignorance profonde où croupit le vulgaire gouverné et le vulgaire gouvernant, sur ces quatre éléments dont nous tenons la vie, à quoi nous ont servi les découvertes en physique et les inventions du génie ? Au lieu de bien cultiver la terre nous l’ensanglantons ; nous employons le feu et l’air à mettre les villes en cendres ; les eaux de la mer nous servent à porter la destruction sur tout le globe. La métallurgie, inventée d’abord pour l’usage de la charrue, a fait périr mille millions d’hommes. La théorie des forces mouvantes, employée d’abord à nous soulager dans nos travaux, devint bientôt féconde en machines meurtrières. Enfin l’invention d’un bénédictin chimiste, amenant un nouvel art de la guerre chez toutes les nations, rendant le courage et la force inutiles, a fait que Gustave et Turenne ont été tués par des poltrons. Il y a maintenant en Europe, en comptant les Turcs et les Tartares, quinze cent mille soldats portant des fusils. Aucun ne sait qu’il est armé par un moine mathématicien.


CHAPITRE XXXIII.


DES LOIS INCONNUES.


Si Newton a découvert cette clef de la nature par laquelle une pierre, une bombe retombe en cherchant le centre de la terre, et les planètes marchent dans leurs orbites; si cette loi de l’attraction agit, non en raison des surfaces, comme pourrait faire l’impulsion d’un fluide, mais en raison des masses ; si elle pénètre au centre de la matière en raison inverse du carré des distances, pourquoi cette loi n’agit-elle pas suivant les mêmes proportions dans les phénomènes de l’aimant, dans ceux de l’électricité, dans l’ascension des liqueurs à travers les tuyaux capillaires, dans la cohésion des corps, dans les rayons du soleil qui rebondissent d’une surface de cristal sans toucher réellement cette surface ? On ne peut, dans aucun de ces cas, avoir recours aux lois du mouvement, à l’impulsion des corpuscules intermédiaires. Il y a donc certainement des lois éternelles, inconnues, suivant lesquelles tout s’opère, sans qu’on puisse les expliquer par la matière et par le mouvement.

Ces lois ressemblent à celles par lesquelles tous les animaux font agir leurs membres à leur volonté. Qui découvrira le rapport de la volonté d’un animal et du mouvement de ses jambes ? Il y a donc des lois qui ne tiennent en rien à la matière connue.