Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Enfin, que Robert se soit donné à saint Pierre, ou aux douze apôtres, ou aux douze patriarches, ou aux neuf chœurs des anges, cela ne communique aucun droit au pape sur un royaume : ce n’est qu’un abus intolérable, contraire à toutes les anciennes lois féodales, contraire à la religion chrétienne, à l’indépendance des souverains, au bon sens et à la loi naturelle.

Cet abus a sept cents ans d’antiquité : d’accord ; mais en eût-il sept cent mille, il faudrait l’abolir. Il y a eu, je l’avoue, trente investitures du royaume de Naples données par des papes ; mais il y a eu beaucoup plus de bulles qui soumettent les princes à la juridiction ecclésiastique, et qui déclarent qu’aucun souverain ne peut en aucun cas juger des clercs ou des moines, ni tirer d’eux une obole pour le maintien de ses États : il y a eu plus de bulles qui disent, de la part de Dieu, qu’on ne peut faire un empereur sans le consentement du pape. Toutes ces bulles sont tombées dans le mépris qu’elles méritent ; pourquoi respecterait-on davantage la suzeraineté prétendue du royaume de Naples ? Si l’antiquité consacrait les erreurs, et les mettait hors de toute atteinte, nous serions tous tenus d’aller à Rome plaider nos procès lorsqu’il s’agirait d’un mariage, d’un testament, d’une dîme ; nous devrions payer des taxes imposées par les légats ; il faudrait nous armer toutes les fois que le pape publierait une croisade ; nous achèterions à Rome des indulgences ; nous délivrerions les âmes des morts à prix d’argent ; nous croirions aux sorciers, à la magie, au pouvoir des reliques sur les diables ; chaque prêtre pourrait envoyer des diables dans le corps des hérétiques ; tout prince qui aurait un différend avec le pape perdrait sa souveraineté. Tout cela est aussi ancien ou plus ancien que la prétendue vassalité d’un royaume, qui, par sa nature, doit être indépendant.

Certes, si les papes ont donné ce royaume, ils peuvent l’ôter ; ils en ont en effet dépouillé autrefois les légitimes possesseurs. C’est une source continuelle de guerres civiles. Ce droit du pape est donc en effet contraire à la religion chrétienne, à la saine politique, et à la raison : ce qui était à démontrer.

iii. — de la monarchie de sicile.

Ce qu’on appelle le privilège, la prérogative de la monarchie de Sicile, est un droit essentiellement attaché à toutes les puissances chrétiennes, à la république de Gênes, à celles de Lucques et de Raguse, comme à la France et à l’Espagne. Il consiste en