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CHAPITRE IV.


ne dit jamais qu’il les croit. Il savait trop que des absurdités monacales ne sont pas des articles de foi ; et que la religion consiste dans l’adoration de Dieu, dans une vie pure, dans les bonnes œuvres, et non dans une crédulité imbécile pour des sottises du Pédagogue chrétien. Enfin il faut pardonner au savant Fleury d’avoir payé ce tribut honteux. Il a fait une assez belle amende honorable par ses discours.

L’abbé de Longuerue dit que lorsque Fleury commença à écrire l’Histoire ecclésiastique, il la savait fort peu[1]. Sans doute il s’instruisit en travaillant, et cela est très-ordinaire ; mais, ce qui n’est pas ordinaire, c’est de faire des discours aussi politiques et aussi sensés après avoir écrit tant de sottises. Aussi qu’est-il arrivé ? On a condamné à Rome ses excellents discours[2], et on y a très-bien accueilli ses stupidités : quand je dis qu’elles y sont bien accueillies, ce n’est pas qu’elles y soient lues, car on ne lit point à Rome.


CHAPITRE IV[3].
de l’histoire juive.

C’est une grande question parmi plusieurs théologiens si les livres purement historiques des Juifs ont été inspirés, car, pour les livres de préceptes et pour les prophéties, il n’est point de chrétien qui en doute, et les prophètes eux-mêmes disent tous qu’ils écrivent au nom de Dieu : ainsi on ne peut s’empêcher de les croire sur leur parole sans une grande impiété ; mais il s’agit de savoir si Dieu a été réellement dans tous les temps l’historien du peuple juif.

Leclerc et d’autres théologiens de Hollande prétendent qu’il n’était pas même nécessaire que Dieu daignât dicter toutes les annales hébraïques, et qu’il abandonna cette partie à la science et à la foi humaine, Grotius, Simon, Dupin[4], ne s’éloignent pas

  1. Longueruana, page 111 de la deuxième partie.
  2. La cour de Rome mit à l’index, le 21 avril 1693, l’Institution au droit ecclésiastique, par Fleury ; le 1er avril 1728, son Catéchisme historique (donec corrigatur). Mais le Neuvième Discours, mis à l’index le 13 février 1725, n’est pas de Fleury (voyez la note de la page 238), et c’est le seul qui y soit. (B.)
  3. Ce chapitre, sauf la dernière phrase, fut, en 1771, reproduit par Voltaire dans la sixième partie des Questions sur l’Encyclopédie, et avec ce titre : Des Peuples nouveaux, et particulièrement des Juifs. (B.)
  4. Leclerc a commenté la Bible, ainsi que Grotius. Dupin a écrit des Prolégomènes sur le même livre, et Simon a écrit des remarques sur les Prolégomènes de Dupin. (G. A.)