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DES ÉGYPTIENS.


les enfants se partagèrent tout l’hémisphère, a-t-il été absolument inconnu dans cet hémisphère ?

Comment Énoch, Seth, Caïn, Abel, Ève, Adam, le premier homme, ont-ils été partout ignorés, excepté dans la nation juive ?

On pourrait faire ces questions et mille autres encore plus embarrassantes, si les livres des Juifs étaient, comme les autres, un ouvrage des hommes ; mais étant d’une nature entièrement différente, ils exigent la vénération, et ne permettent aucune critique. Le champ du pyrrhonisme est ouvert pour tous les autres peuples, mais il est fermé pour les Juifs. Nous sommes à leur égard comme les Égyptiens qui étaient plongés dans les plus épaisses ténèbres de la nuit[1], tandis que les Juifs jouissaient du plus beau soleil dans la petite contrée de Gessen.

Ainsi n’admettons nul doute sur l’histoire du peuple de Dieu ; tout y est mystère et prophétie, parce que ce peuple est le précurseur des chrétiens. Tout y est prodige, parce que c’est Dieu qui est à la tête de cette nation sacrée : en un mot, l’histoire juive est celle de Dieu même, et n’a rien de commun avec la faible raison de tous les peuples de l’univers[2]. Il faut, quand on lit l’Ancien et le Nouveau Testament, commencer par imiter le P. Canaye[3].


CHAPITRE V.
des égyptiens.[4]

Comme l’histoire des Égyptiens n’est pas celle de Dieu, il est permis de s’en moquer. On l’a déjà fait avec succès sur ses dix-huit mille villes, et sur Thèbes aux cent portes[5], par lesquelles sortait un million de soldats, ce qui supposait cinq millions d’habitants dans la ville, tandis que l’Égypte entière ne contient aujourd’hui que trois millions d’âmes.

Presque tout ce qu’on raconte de l’ancienne Égypte a été écrit apparemment par une plume tirée de l’aile du phénix, qui

  1. Exode, X, 22, 23.
  2. C’était ici que s’arrêtait la transcription faite, en 1771, dans les Questions sur l’Encyclopédie ; voyez la note 3 de la page 240.
  3. « Point de raison, dit ce Père dans la Conversation du maréchal d’Hocquincourt ; c’est la vraie religion, cela ; point de raison. » Voyez les Œuvres de Saint-Évremond.
  4. Ce chapitre V fut reproduit presque en entier par Voltaire dans ses Questions sur l’Encyclopédie, ainsi qu’on l’a dit, tome XIX, page 352.
  5. Voyez tome XI, page 60 ; XXVI, 385.