Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
DES ÉGYPTIENS.


Il est très-vraisemblable que c’était le chat consacré. Je ne voudrais pas tuer une cigogne en Hollande. On y est persuadé qu’elles portent bonheur aux maisons sur le toit desquelles elles se perchent. Un Hollandais de mauvaise humeur me ferait payer cher sa cigogne.

Dans un nome d’Égypte voisin du Nil il y avait un crocodile sacré. C’était pour obtenir des dieux que les crocodiles mangeassent moins de petits enfants. Origène, qui vivait dans Alexandrie, et qui devait être bien instruit de la religion du pays, s’exprime ainsi dans sa réponse à Celse, au livre III : « Nous n’imitons point les Égyptiens dans le culte d’Isis et d’Osiris ; nous n’y joignons point Minerve comme ceux du nome de Saïs. » Il dit dans un autre endroit : « Ammon ne souffre pas que les habitants de la ville d’Apis, vers la Libye, mangent des vaches. » Il est clair, par ces passages, qu’on adorait Isis et Osiris.

Il dit encore : « Il n’y aurait rien de mauvais à s’abstenir des animaux utiles aux hommes ; mais épargner un crocodile, l’estimer consacré à je ne sais quelle divinité, n’est-ce pas une extrême folie ? »

Il est évident, par tous ces passages, que les prêtres, les choen d’Égypte, adoraient des dieux et non pas des bêtes. Ce n’est pas que les manœuvres et les blanchisseuses ne pussent très-bien prendre pour une divinité la bête consacrée. Il se peut même que des dévotes de cour, encouragées dans leur zèle par quelques théologiens d’Égypte, aient cru le bœuf Apis un dieu, lui aient fait des neuvaines[1], et qu’il y ait eu des hérésies.

Voyez ce qu’en dit l’auteur de la Philosophie de l’Histoire[2].

Le monde est vieux, mais l’histoire est d’hier[3]. Celle que nous nommons ancienne, et qui est en effet très-récente, ne remonte guère qu’à quatre ou cinq mille ans ; nous n’avons, avant ce temps, que quelques probabilités ; elles nous ont été transmises dans les annales des brachmanes, dans la chronique chinoise, dans l’histoire d’Hérodote. Les anciennes chroniques chinoises ne regardent que cet empire séparé du reste du monde. Hérodote, plus intéressant pour nous, parle de la terre alors connue. En récitant aux Grecs les neuf livres de son his-

  1. La fin de l’alinéa et l’alinéa suivant n’étaient pas reproduits dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771.
  2. Des Rites égyptiens, Essai sur les Mœurs, etc. (Note de Voltaire.) — Voyez tome XI, page 66.
  3. La fin de ce chapitre avait paru, en 1765, dans le tome VIII de l’Encyclopédie, article Histoire ; voyez la note, tome XIX, page 352.