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DE PÉTRONE.


Il propose pour modèle le commencement d’un poëme ampoulé de sa façon. Voici quelques-uns de ses vers :

Crassum Parthus habet ; Libyco jacet æquore Magnus ;
Julius ingratam perfudit sanguine Romani ;
Et quasi non posset tot tellus ferre sepulcra,
Divisit cineres.

(Petr., Satyric., c. cxx.)

« Crassus a péri chez les Parthes ; Pompée, sur les rivages de la Libye ; le sang de César a coulé dans Rome ; et, comme si la terre n’avait pas pu porter tant de tombeaux, elle a divisé leurs cendres. »

Peut-on voir une pensée plus fausse et plus extravagante ? Quoi ! la même terre ne pouvait porter trois sépulcres ou trois urnes ? Et c’est pour cela que Crassus, Pompée et César, sont morts dans des lieux différents ? Est-ce ainsi que s’exprimait Virgile ?

On admire, on cite ces vers libertins :

Qualis nox fuit illa, di deæque !
Quani mollis torus ! Hæsimus calentes,
Et transfudimus hinc et hinc labellis
Errantes animas. Valete, curæ
Mortales ! Ego sic perire cœpi.

(Petr., Satyric., c. lxxix.)

Les quatre premiers vers sont heureux, et surtout par le sujet, car les vers sur l’amour et sur le vin plaisent toujours quand ils ne sont pas absolument mauvais. En voici une traduction libre. Je ne sais si elle est du président Bouhier :

Quelle nuit ! ô transports ! ô voluptés touchantes !
Nos corps entrelacés, et nos âmes errantes,
Se confondaient ensemble, et mouraient de plaisir.
C’est ainsi qu’un mortel commença de périr[1].

Le dernier vers, traduit mot à mot, est plat, incohérent, ridicule ; il ternit toutes les grâces des précédents ; il présente l’idée funeste d’une mort véritable. Pétrone ne sait presque jamais

  1. Perire, dans les vers de Pétrone, n’a que le sens de mourir d’amour, d’aimer éperdument.