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346 L'A, B, C.

c'est qu'il y a de grandes plaines ». Il n'a pas songé que la Perse est entrecoupée de montagnes; il ne s'est pas souvenu du Caucase, du Taurus, de l'Ararat, de l'Immaiis, du Saron, dont les branches couvrent l'Asie. Il ne faut ni donner des raisons des choses qui n'existent point, ni en donner de fausses des choses qui existent.

Sa prétendue influence des climats ' sur la religion est prise de Chardin, et n'en est pas plus vraie; la religion mahométane, née dans le terrain aride et brûlant de la Mecque, fleurit aujourd'hui dans les belles contrées de l'Asie Mineure, de la Syrie, de l'Egypte, de la Thrace, de la Mysie, de l'Afrique septentrionale, de la Servie, de la Bosnie, de la Dalmatie, de l'Épire, de la Grèce; elle a régné en Espagne, et il s'en est fallu bien peu qu'elle ne soit allée jus- qu'à Rome. La religion chrétienne est née dans le terrain pier- reux de Jérusalem, et dans un pays de lépreux, où le cochon est un aliment presque mortel, et défendu par la loi. Jésus ne man- gea jamais de cochon, et on en mange chez les chrétiens : leur religion domine aujourd'hui dans des pays fangeux où l'on ne se nourrit que de cochons, comme dans la Vestphalie. On ne fini- rait pas si on voulait examiner les erreurs de ce genre qui four- millent dans ce livre.

Ce qui est encore révoltant pour un lecteur un peu instruit, c'est que presque partout les citations sont fausses ; il prend presque toujours son imagination pour sa mémoire.

Il prétend que, dans leTestament attribué au cardinal de Riche- lieu, il est dit 2 que, « si dans le peuple il se trouve quelque malheureux honnête homme, il ne faut point s'en servir: tant il est vrai que la vertu n'est pas le ressort du gouvernement mo- narchique ».

Le misérable Testament faussement attribué au cardinal de Richelieu dit précisément tout le contraire. Voici ses paroles, au chapitre iv ^ : « On peut dire hardiment que de deux personnes dont le mérite est égal, celle qui est la plus aisée en ses affaires est pré- férable à l'autre, étant certain qu'il faut qu'un pauvre magistrat ait l'âme d'une trempe bien forte si elle ne se laisse quelquefois amollir par la considération de ses intérêts. Aussi l'expérience nous apprend que les riches sont moins sujets à concussion que les autres, et que la pauvreté contraint un officier à être fort soigneux du revenu du sac. »

��1. Liv. XXIV, ch. XXIV, xxv, xxvi.

2. Liv. III, ch. V. {Note de Voltaire. j

3. Voyez tome XXV, page 301.

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