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L’A, B, C.



DIXIÈME ENTRETIEN.
SUR LA RELIGION.


C.

Puisque vous croyez que le partage du brave liomme est d’ex- pliquer librement ses pensées, vous voulez donc quon puisse tout imprimer sur le gouvernement et sur la religion ?

A.

Qui garde le silence sur ces deux objets, qui n’ose regarder fixement ces deux pôles de la vie humaine n’est qu’un lâche. Si nous n’avions pas su écrire, nous aurions été opprimés par Jacques II et par son chancelier Jeffreys ; et milord de Kenterbury nous ferait donner le fouet à la porte de sa cathédrale. Notre plume fut la première arme contre la tyrannie, et notre épée la seconde.

C.

Quoi ! écrire contre la religion de son pays !

B.

Eh ! vous n’y pensez pas, monsieur C ; si les premiers chré- tiens n’avaient pas eu la liberté d’écrire contre la religion de l’empire romain, ils n’auraient jamais établi la leur; ils firent l’évangile de Marie, celui de Jacques, celui de l’enfance, celui des Hébreux, de Barnabe, de Luc, de Jean, de Matthieu, de Marc: ils en écrivirent cinquante-quatre’. Ils firent les lettres de Jésus à un roitelet d’Édesse, celles de Pilate à Tibère, de Paul à Sénèque, et les prophéties des sibylles en acrostiches, et le sym- bole des douze apôtres, et le testament des douze patriarches-, et le livre d’Enoch, et cinq ou six apocalypses, et de fausses con- stitutions apostoliques, etc., etc. Que n’écrivirent-ils point? Pour- quoi voulez-vous nous ôter la liberté qu’ils ont eue?

C. Dieu me préserve de proscrire cette liberté précieuse ! Mais j’y veux du ménagement, comme dans la conversation des honnêtes gens ; chacun y dit son avis, mais personne n’insulte la compagnie.

1. Voyez, ci-après, la Collection d’anciens évangiles.

2. Voyez tome XVII, page 300.