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L'A, B, C. 383

H.

Eh, mon Dieu ! monsieur C, no l'iiisons pas tant les fiers, il n'y a point de royaume en Europe que l'évêquc de Rome n'ait donné en vertu de son humble et sainte puissance. Le vice-dieu Stephanus^ ôta le royaume de France à Chilpericus pour le donner à son principal domestique Pipinus, comme le dit votre Éginluu'd lui- même, si les écrits de cet Éginhard n'ont pas été falsifiés par les moines, comme tant d'autres écrits, et comme je le soupçonne.

Le vice-dieu Silvestre donna la Hongrie au duc Etienne, en Fan 1001, pour faire plaisir à sa femme Gizelle, qui avait beau- coup de visions.

Le vice-dieu Innocent IV, en 12kl , donna le royaume de Nor- vège à un bâtard nommé Ilaquin, que ledit pape de plein droit fit légitime, moyennant quinze mille marcs d'argent. Et ces quinze mille marcs d'argent n'existant pas alors en Norvège, il fallut emprunter pour payer.

Pendant deux siècles entiers, les rois de Castille, d'Aragon, et de Portugal, ne furent-ils pas tenus de payer annuellement un tribut de deux livres d'or au vice-dieu? On sait combien d'em- pereurs ont été déposés, ou forcés de demander pardon, ou assassinés, ou empoisonnés en vertu d'une bulle. Non-seulement, vous dis-je, le serviteur des serviteurs de Dieu a donné tous les royaumes de la communion romaine sans exception, mais il en a retenu le domaine suprême et le domaine utile ; il n'en est aucun sur lequel il n'ait levé des décimes, des tributs de toute espèce.

Il est encore aujourd'hui suzerain du royaume de Naples; on lui en fait un hommage-lige depuis sept cents ans. Le roi de Naples, ce descendant de tant de souverains*, lui paye encore un tribut. Le roi de Naples est aujourd'hui en Europe le seul roi vassal; et de qui? juste cieP!

A.

Je lui conseille de ne l'être pas longtemps.

��Je demeure toujours confondu quand je vois les traces de l'antique superstition qui subsistent encore. Par quelle étrange

��1. Etienne II ou III; voyez tome XI, pages 2i7 et suiv.

2. Ferdinand IV, descendant de saint Louis par Pliilippe V et par Louis \IV.

3. De Clément XIII, mort peu de temps après que Voltaire écrivait ainsi. (Cl.

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