les vêtements et le pain à ceux qui sèment le blé et qui préparent la laine ; l’art d’accumuler tous les trésors d’une nation entière dans les coffres de cinq ou six cents personnes ; l’art de faire tuer publiquement en cérémonie[1], avec une demi-feuille de papier, ceux qui vous ont déplu, comme une maréchale d’Ancre, un maréchal de Marillac, un duc de Sommerset, une Marie Stuart ; l’usage de préparer un homme à la mort par des tortures pour connaître ses associés, quand il ne peut avoir eu d’associés ; les bûchers allumés, les poignards aiguisés, les échafauds dressés pour des arguments en baralipton ; la moitié d’une nation occupée sans cesse à vexer l’autre loyalement. Je parlerais plus longtemps qu’Esdras, si je voulais faire écrire nos abus sous ma dictée.
A.
Tout cela est vrai ; mais convenez que la plupart de ces abus horribles sont abolis en Angleterre, et commencent à être fort mitigés chez les autres nations.
B.
Je l’avoue ; mais pourquoi les hommes sont-ils un peu meilleurs et un peu moins malheureux qu’ils ne l’étaient du temps d’Alexandre VI, de la Saint-Barthélémy, et de Cromwell ?
C.
C’est qu’on commence à penser, à s’éclairer, et à bien écrire.
A.
J’en conviens : la superstition excita les orages, et la philosophie les apaise.
A propos, monsieur A, et croyez-vous le monde bien ancien ?
A.
Monsieur B, ma fantaisie est qu’il est éternel.
- ↑ Boileau, satire viii. vers 296.