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396 L'A, B, C.

Je ne suis pas de ces gens qui disent que les astres, les hommes, les animaux, les végétaux, la pensée, sont TelTet d'un coup de dés.

A. Pardon de m'être mis en colère, j'avais le spleen; mais, en me fâchant, je n'en aAais pas moins raison.

B.

Allons au fait sans nous fâcher. Comment, en admettant un Dieu, pouvez-vous soutenir par hypothèse que le monde est éternel ?

A.

Comme je soutiens par voie de thèse que les rayons du soleil sont aussi anciens que cet astre.

C. Voilà une plaisante imagination! Quoi! du fumier, des haclie- liers en théologie, des puces, des singes, et nous, nous serions des émanations de la Divinité?

A.

Il y a certainement du divin dans une puce : elle saute cin- quante fois sa hauteur; elle ne s'est pas donné cet avantage.

B.

Quoi ! les puces existent de toute éternité ?

A.

Il le faut bien, puisqu'elles existent aujourd'hui, et qu'elles étaient hier, et qu'il n'y a nulle raison pour qu'elles n'aient pas toujours existé. Car si elles sont inutiles, elles ne doivent jamais être; et dès qu'une espèce a l'existence, il est impossible de prou- ver qu'elle ne l'ait pas toujours eue. Voudriez-vous que l'éternel géomètre eût été engourdi une éternité entière? Ce ne serait pas la peine d'être géomètre et architecte pour passer une éternité sans combiner et sans l)âtir. Son essence est de produire; puis- qu'il a produit, il existe nécessairement : donc tout ce qui est en lui est essentiellement nécessaire. On ne peut dépouiller un être de son essence, car alors il cesserait d'être. Dieu est agissant : donc il a toujours agi; donc le monde est une émanation éter- nelle de lui-même; donc quiconque admet un Dieu doit admettre le monde éternel. Les rayons de lumière sont partis nécessaire- ment de l'astre lumineux de toute éternité, et toutes les combi- naisons sont parties de l'Être combinateur de toute éternité.

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