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AVANT-PROPOS. • 447

donna son miroir d'argent au geôlier pour avoir la liberté d'en- trer vers Paul, dont elle baisa les cbaînes en se tenant debout à ses pieds.

Le gouverneur en étant informé la fit comparaître avec Paul devant son tribunal , et lui demanda pourquoi elle n'épousait pas Thamyris. Comme Thècle, au lieu de répondre, avait les yeux fixés sur Paul, sa mère criait au gouverneur : a Brûlez, brûlez cette malbeureuse au milieu du théâtre, afin d'elTrayer toutes celles qui ont écouté les enseignements de ce magicien. » Alors le gouverneur, très-affligé, ordonna que Paul fût fouetté et chassé de la ville, et condamna Thècle à être brûlée. Gomme elle parcourait des yeux la foule des spectateurs, elle vit le Seigneur assis^ sous la forme de Paul, et dit en elle-même: (c Paul est venu me regarder comme si je ne pouvais pas soufl'rir avec courage ; » et comme elle tenait les yeux arrêtés sur lui, il s'élevait au ciel en sa présence. Le gouverneur, la voyant nue, ne pouvait retenir ses larmes ; il admirait sa rare beauté.

ïhècle, ayant fait le signe de la croix, monta sur le bûcher. Le peuple y mit le feu, qui ne la toucha point, quoiqu'il fût embrasé de tous côtés ; parce que Dieu, prenant pitié de Thècle, fit entendre sous terre un grand bruit; un nuage chargé de pluie et de grêle la couvrit; et le sein de la terre, s'ouvrant et s'écroulant, engloutit plusieurs spectateurs ; le feu s'éteignit, et Thècle échappa sans avoir aucun mal.

Cependant Paul, avec Onésiphore, qui avait quitté les richesses mondaines pour le suivre avec sa femme et ses enfants, jeûnait caché dans un monument sur le chemin qui conduit dTcone à Daphné. Un des enfants, étant allé vendre la tunique de Paul pour acheter du pain, aperçut Thècle auprès de la maison de son père, et il la conduisit vers Paul. Et sur ce qu'elle dit: (( Je vous suivrai où que vous alliez, » Paul lui répliqua : « Nous sommes dans un temps où règne le libertinage, et vous êtes belle ; prenez garde qu'il ne vous arrive une seconde tentation pire que la première. »

De là Paul renvoya Onésiphore chez lui avec toute sa famille ; et, prenant Thècle, il s'en alla à. Antioche. Ils n'y furent pas plus tôt arrivés qu'un Syrien, nommé Alexandre, qui en avait été gouverneur, voyant Thècle, en fut amoureux, et oiïrit de grands et riches présents à Paul, qui lui dit : « Je ne connais

1. Cette apparition est rapportée par Basile de Séleucie (I. I., de Tliécla, p. 231) et par d'autres. {Note de Voltaire.)

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