Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/500

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pris avec elle, et sur-le-champ son fils fut guéri de sa lèpre. Chantant donc des actions de grâces et des louanges à Dieu : Bienheureuse, dit-elle, est[1] la mère qui vous a enfanté, ô Jésus ! Est-ce ainsi que de l’eau dont votre corps a été lavé vous guérissez les hommes, qui participent avec vous à la même nature ? Au reste, elle fit des présents considérables à la dame Marie, et la laissa aller avec un honneur distingué.

XIX. — Étant ensuite arrivés dans une autre ville, ils désiraient y passer la nuit. C’est pourquoi ils entrèrent chez un homme nouvellement marié, mais qui, étant ensorcelé, ne pouvait pas jouir de sa femme ; et lorsqu’ils eurent passé cette nuit, son charme fut levé ; mais au point du jour, comme ils se préparaient à partir, l’époux les en empêcha, et leur prépara un grand festin.

XX. — Étant donc partis le lendemain et approchant d’une nouvelle ville, ils aperçoivent trois femmes qui revenaient d’un certain tombeau en pleurant beaucoup. La divine Marie, les ayant vues, dit à la jeune fille qui l’accompagnait : Allez, et demandez-leur quelle est leur condition, et quelle calamité leur est arrivée. La fille le leur ayant demandé, elles ne répondirent rien, et lui demandèrent à leur tour : D’où êtes-vous, et où allez-vous ? car le jour va finir, et la nuit approche. Nous sommes des voyageurs, dit la jeune fille, et nous cherchons une hôtellerie pour y passer la nuit. Elles dirent : Allez avec nous, et passez la nuit chez nous. Les ayant donc suivies, ils furent conduits dans une maison neuve, ornée, et diversement meublée. Or c’était le temps de l’hiver, et la jeune fille, étant entrée dans la chambre de ces femmes, les trouva encore qui pleuraient et se lamentaient. Il y avait auprès d’elles un mulet couvert d’une étoffe de soie, ayant un pendant d’ébène à son cou ; elles lui donnaient des baisers, et lui présentaient à manger. Or la jeune fille disant : Ô mesdames, que ce mulet est beau ! elles répondirent en pleurant, et dirent : Ce mulet que vous voyez a été notre frère, né de notre même mère que voilà ; et notre père en mourant nous ayant laissé de grandes richesses, comme nous n’avions que ce seul frère, nous lui cherchions un mariage avantageux, désirant lui préparer des noces, suivant l’usage des hommes ; mais des femmes, agitées des fureurs de la jalousie, l’ont ensorcelé à notre insu ; et une certaine nuit, ayant exactement fermé la porte de notre maison un peu avant l’aurore, nous vîmes que notre frère

  1. Luc, xi, v. 27. (Note de Voltaire.)