Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/539

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Qui êtes-vous donc, vous qui êtes ainsi entré sans crainte dans nos confins ; et non-seulement vous ne craignez pas de nous causer de grands supplices ; mais, de plus, vous tâchez de nous délivrer tous de nos liens ? Peut-être êtes-vous ce Jésus, de qui Satan disait tout à l’heure à notre prince que, par votre mort de la croix, vous deviez enlever toute la puissance de la Mort. Alors le Seigneur de gloire, foulant aux pieds la Mort, et saisissant le prince des enfers, le priva de toute sa puissance, et attira notre père terrestre à sa clarté.

XXIII. — Alors les princes du Tartare, prenant Satan, lui dirent en le reprenant fortement : Ô Belzébuth, prince de perdition et chef de destruction, dérision des anges de Dieu, ordure des justes, qu’avez-vous voulu faire ici ? Vous avez voulu crucifier le roi de gloire, dans la ruine duquel vous nous avez promis de si grandes dépouilles : ignorant comme insensé, qu’avez-vous fait ? Car ne voilà-t-il pas déjà que ce Jésus de Nazareth, par l’éclat de sa glorieuse divinité, chasse toutes les horribles ténèbres de la Mort, a brisé les bas et les hauts des prisons, et a mis dehors tous les captifs, et a délivré tous ceux qui étaient dans les fers ? Et tous ceux qui, à cause des cruels tourments, avaient coutume de soupirer et de gémir, nous insultent, et nous sommes accablés de leurs imprécations ? Nos royaumes impies sont vaincus ; et il ne nous reste plus aucun genre d’homme, mais plutôt ils nous menacent fortement, parce que ces morts ne nous ont jamais été superbes, et ces captifs n’ont jamais pu être joyeux. Ô Satan, prince de tous les maux, père des impies et des violateurs, qu’avez-vous voulu faire ici, parce que, depuis le commencement jusqu’à présent, ils ont désespéré du salut et de la vie ? Maintenant aucun de leurs gémissements ne se fait entendre, et on ne trouve aucune trace de larmes dans la face d’aucun d’eux. Ô prince Satan, possession des enfers, vous avez maintenant perdu, par le bois de la croix, vos richesses que vous aviez acquises par le bois de la prévarication et la perte du paradis, et toute votre joie a péri : pendant que vous avez pendu ce Jésus-Christ roi de gloire, vous avez agi contre vous et contre moi ; désormais vous connaîtrez quels grands tourments et quels supplices éternels et infinis vous devez souffrir. Ô Satan, prince de tous les méchants, auteur de la mort et source de tout orgueil, vous auriez dû premièrement chercher une mauvaise cause de ce Jésus de Nazareth contre lequel vous n’avez trouvé aucune cause de mort. Pourquoi, sans raison, avez-vous osé le crucifier injustement, et amener dans notre région l’innocent et le juste ? Et vous avez perdu les