Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Pierre Bergier chantait un psaume de Marot en allant au supplice. Dites-nous en bonne foi si vous chanteriez un psaume latin en pareil cas ? Dites-nous si le supplice de la potence, de la roue, ou du feu, est une preuve de la religion ? C’est une preuve sans doute de la barbarie humaine ; c’est une preuve que d’un côté il y a des bourreaux, et de l’autre des persuadés.

« Non, si vous voulez rendre la religion chrétienne aimable, ne parlez jamais de martyrs. Nous en avons fait cent fois, mille fois plus que tous les païens. Nous ne voulons point répéter ici ce qu’on a tant dit des massacres des albigeois, des habitants de Mérindol, de la Saint-Barthélemy, de soixante ou quatre-vingt mille Irlandais protestants égorgés, assommés, pendus, brûlés par les catholiques ; de ces millions d’Indiens tués comme des lapins dans des garennes, aux ordres de quelques moines. Nous frémissons, nous gémissons ; mais, il faut le dire, parler de martyrs à des chrétiens, c’est parler de gibets et de roues à des bourreaux et à des recors. »

Après tant de vérités, nous demandons au monde entier si jamais un théiste a voulu forcer un homme d’une autre religion à embrasser le théisme, tout divin qu’il est. Ah ! c’est parce qu’il est divin qu’il n'a jamais violenté personne. Un théiste a-t-il jamais tué ? que dis-je ? a-t-il frappé un seul de ses insensés adversaires ? Encore une fois, comparez et jugez.

Nous pensons enfin qu’il faut imiter le sage gouvernement chinois qui, depuis plus de cinquante siècles, offre à Dieu des hommages purs, et qui, l’adorant en esprit et en vérité, laisse la vile populace se vautrer dans la fange des étables des bonzes. Il tolère ces bonzes, et il les réprime, il les contient si bien, qu’ils n'ont pu exciter le moindre trouble sous la domination chinoise ni sous la tartare. Nous allons acheter dans cette terre antique de la porcelaine, du laque, du thé, des paravents, des magots, des commodes, de la rhubarbe, de la poudre d’or : que n’allons-nous y acheter la sagesse !

des mœurs.

Les mœurs des théistes sont nécessairement pures, puisqu’ils ont toujours le Dieu de la justice et de la pureté devant les yeux, le Dieu qui ne descend point sur la terre pour ordonner qu’on vole les Égyptiens, pour commander à Osée de prendre une concubine à prix d’argent, et de coucher avec une femme adultère[1].

  1. Osée, chapitre I. (Note de Voltaire.)