Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/81

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gion divine pendant 2513 années, jusqu’au temps où les juifs disent que Dieu leur donna une loi particulière dans un désert.

Enfin, si le calcul du P. Pétau était vrai ; si, selon cet étrange philosophe, qui a fait, comme on l’a dit, tant d’enfants à coups de plume[1], il y avait six cent vingt-trois milliards six cent douze millions d’hommes sur la terre, descendants d’un seul fils de Noé ; si les deux autres frères en avaient produit chacun autant ; si par conséquent la terre fut peuplée de plus de dix-neuf cents milliards de fidèles en l’an 285 après le déluge, et cela vers le temps de la naissance d’Abraham selon Pétau ; et si les hommes, en ce temps-là, n’avaient pas corrompu leurs voies, il s’ensuit évidemment qu’il y eut alors environ dix-neuf cents milliards de théistes de plus qu’il n’y a aujourd’hui d’hommes sur la terre.

remontrance à toutes les religions.

Pourquoi donc vous élevez-vous aujourd’hui avec tant d’acharnement contre le théisme, religions nées de son sein ; vous qui n’avez de respectable que l’empreinte de ses traits défigurés par vos superstitions et par vos fables ; vous filles parricides, qui voulez détruire votre père, quelle est la cause de vos continuelles fureurs ? Craignez-vous que les théistes ne vous traitent comme vous avez traité le paganisme, qu’ils ne vous enlèvent vos temples, vos revenus, vos honneurs ? Rassurez-vous, vos craintes sont chimériques : les théistes n’ont point de fanatisme, ils ne peuvent donc faire de mal, ils ne forment point un corps, ils n’ont point de vues ambitieuses ; répandus sur la surface de la terre, ils ne l’ont jamais troublée ; l’antre le plus infect des moines les plus imbéciles peut cent fois plus sur la populace que tous les théistes du monde ; ils ne s’assemblent point, ils ne prêchent point ; ils ne font point de cabales. Loin d’en vouloir aux revenus des temples, ils souhaitent que les églises, les mosquées, les pagodes de tant de villages, aient toutes une subsistance honnête ; que les curés, les mollas, les brames, les talapoins, les bonzes, les lamas des campagnes, soient plus à leur aise, pour avoir plus de soin des enfants nouveau-nés, pour mieux secourir les malades, pour porter plus décemment les morts à la terre ou au bûcher ; ils gémissent que ceux qui travaillent le plus soient les moins récompensés.

Peut-être sont-ils surpris de voir des hommes voués par leurs

  1. Philosophie de l’histoire ; voyez tome XI, page 71.